La Libération est une période de pénurie grave en biens essentiels. Logement, énergie, transports, télécommunications font défaut. Pour réduire cette pénurie, les experts sont mis aux commandes. C’est la période faste des grands corps de l’Etat, affectés à cet enjeu collectif qu’est la modernisation du pays. Le Centre national de la recherche scientifique est créé et avec lui le Commissariat à l’énergie atomique qui doit donner à la France la maîtrise de l’atome et l’Institut national de la recherche agronomique chargé d’améliorer la productivité pour nourrir le pays.

Dans ce schéma, « l’expert » est légitime pour planifier et décider des actions : il est compétent pour traduire ce qui est attendu, il a un mandat clair, il est « décideur » : il intègre les différentes étapes et les différentes dimensions (techniques, économiques et sociales) des solutions qu’il retient. Dans cette situation, il n’est pas nécessaire d’afficher une politique publique : c’est l’existence d’une structure d’action (le CEA, un corps de l’Etat) qui dit la volonté publique. L’intelligence du décideur fait la cohérence de l’action.

Le temps de l’expert décideur est dépassé

Nos structures publiques gardent la marque de cette époque. Ainsi la France a l’un des dispositifs de recherche les plus centralisés du monde. Encore aujourd’hui l’expert est souvent considéré comme le véritable décideur, sauf s’il apporte au préalable des gages de sa distance par rapport à la décision. Les responsables politiques renforcent encore parfois cette croyance, qui traduit une culture plus ancienne, une tradition politique où l’élite éclairée est considérée comme légitime pour porter l’intérêt commun et donc jouer un rôle fort dans les affaires publiques. Elle n’en est que plus solide et résistante aux changements.

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