Selon une récente étude du cabinet Alpha, la quasi-totalité des chartes éthiques et autres codes de conduites ont été rédigés en n’associant ni les salariés ni leurs représentants. 80% des documents étudiés ne font même pas référence aux différents acteurs sociaux et en particulier les représentants du personnel. 5 entreprises seulement sur les 40 étudiées ont mentionné une consultation du comité d’entreprise ou de l’instance de dialogue européen. 35% seulement font référence explicitement aux conventions fondamentales de l’OIT et 15% aux principes directeurs de l’OCDE en direction des multinationales. Les contrôles des engagement y sont inexistants ou réservés à des comités éthiques internes. Une seule entreprise, Carrefour, est dotée d’un contrôle externe pour sa Charte contre l’exploitation des enfants et le travail forcé, une charte qui s’impose à ses fournisseurs et sous-traitants en cascade.

Ces chartes et codes de conduites reportent le plus souvent des responsabilités sur les salariés qui n’ont pas les moyens de les assumer (prescriptions supplémentaires ou injonctions contradictoires). La question se pose ainsi du contrôle social des engagements et de leur mise en œuvre opérationnelle avec le management interne des entreprises.

Aux démarches de codes de conduites ou de chartes éthiques, nous souhaitons substituer de véritables démarches de négociation d’accords avec les organisations syndicales afin d’apporter des réponses opérationnelles à ces questions. Il s’agit bien de prévoir dans ces accords la systématisation des références aux conventions de l’OIT, de formaliser les droits d’intervention des salariés et de leurs institutions représentatives dans la gestion des entreprises et le contrôle de leurs activités, ce qui suppose de donner une place aux salariés au sein des gouvernements d’entreprises (ce que ne prévoit pas le projet de l’OCDE, à ce jour). Cela suppose également de donner à l’encadrement de l’entreprise les moyens de la mise en œuvre concrète de ces engagements et donc de revisiter les grilles de critères de choix de gestion et de décision. C’est dans cet esprit que la CFDT Cadres en lien avec d’autres partenaires a lancé le Manifeste pour la responsabilité sociale des cadres (disponible sur le site de la CFDT Cadres, www.cadres-plus.net).

Union Network International

Lors de son comité exécutif mondial de novembre 2003, UNI a débattu de la mondialisation du marché du travail et fixé sa stratégie en matière d’intervention sur les délocalisations. Sans revenir sur le contenu détaillé du document introductif à ce débat (document en ligne sur le site de UNI, www.uni.org), il est intéressant d’en pointer quelques éléments. Philip Jennings, secrétaire général de cette organisation, tenait le discours suivant : « Il est possible d’imaginer un scénario catastrophe où les syndicats, poussés à défendre les emplois dans leurs pays d’origine, se trouvent amenés à réagir en résistant au changement à tout prix, position pouvant être facilement exploitée par des intérêts hostiles au syndicalisme et décrivant les syndicats comme des institutions conservatrices dont la seule préoccupation est de défendre des intérêts sectoriels et incapables de s’adapter aux mutations. Les syndicats ne parviennent pas à susciter un débat public plus large sur la mondialisation ni à créer des alliances plus vastes. On assiste à une migration des emplois vers des pays où les travailleurs considèrent les syndicats étrangers comme hostiles à leurs propres intérêts et n’ont aucune motivation pour créer leurs propres structures syndicales. Tout sentiment d’appartenir à un mouvement international reposant sur la solidarité disparaît. Tous les éléments sont réunis pour que commence une véritable course vers le bas… Les syndicats doivent agir à l’échelon international en jouant un rôle actif aux deux extrémités de la trajectoire de la migration des emplois. Il est plus facile de lutter au niveau national pour des emplois décents convenablement payés si les syndicats en font de même au niveau mondial… Les syndicats doivent comprendre la situation générale qui est celle d’une économie de plus en plus mondialisée où la nature des emplois et du travail évolue de manière radicale. »

Les exemples d’intervention syndicale cités dans le rapport mettent en évidence l’intérêt d’une intervention aux deux extrémités. Parmi eux, la signature par le syndicat britannique Connect avec British Telecom, d’un accord par lequel la société s’engage expressément à ce que la délocalisation de 2000 emplois de centres d’appels en Inde ne soit pas la cause de suppressions d’emplois et à adopter une démarche socialement responsable vis-à-vis des salariés dans les pays en voie de développement.

Le syndicat bancaire UNIFI a établi un document intitulé Guide de la mondialisation à l’égard des négociateurs. Ce guide a été utilisé par les syndicats dans le cadre d’une négociation avec HSBC, banque présente dans le monde entier qui délocalise ses centres d’appel en Inde. Amicus, affilié de UNI a également publié un Guide de la délocalisation. UNI, dans le prolongement de ces initiatives, a publié une charte sur la délocalisation (en ligne également sur son site), en réponse à l’avalanche de délocalisations qui déferlent dans le secteur des services. Cette charte préconise des négociations précoces dès qu’une délocalisation est envisagée, le non-recours aux licenciements forcés, le respect des normes du travail et un travail décent sans délocalisation vers les zones franches industrielles qui négligent la protection du travail, de la santé et de la sécurité.