Entre sciences et affaires

Si l’éthique médicale apparaît donc davantage comme un territoire de spécialistes, experts de la médecine, d’une part, et experts de la morale, de l’autre, c’est en partie parce que dans bien des cas l’homme – et la femme – de la rue ne se juge pas suffisamment compétent pour donner son avis, pour être sollicité à participer à l’orientation des recherches pas plus qu’aux décisions particulières qui font le quotidien de la vie d’un hôpital. Le patient potentiel qu’est le citoyen semble faire suffisamment confiance aux médecins, à l’Ordre qui est censé garantir la déontologie professionnelle des praticiens et aux sages qui composent le Comité consultatif national d’éthique, pour ne pas trop se mêler à ce débat.

Il en va tout autrement dans la vie économique, quand les citoyens ne sont plus des patients face à une autorité scientifique, mais des consommateurs. La société civile, dans sa frange la plus militante, s’organise et exploite les marges de liberté dont elle dispose pour orienter les choix des décideurs : exerçant sa capacité de lobbying, de boycott, diffusant au mieux les informations jugées pertinentes. D’aucuns choisissent le commerce équitable, d’autres renoncent à certains moyens de transport ou certains produits, et les actionnaires eux-mêmes, dit-on, ont commencé à introduire ces questions dans leurs assemblées générales… Sensibles à ces différentes pressions, les dirigeants d’entreprise ont commencé à mettre en place des formations internes, à rédiger des chartes d’éthique hiérarchisant leurs valeurs et priorités : citoyenneté, environnement, développement durable, sécurité, traçabilité, commerce équitable, citoyenneté, démocratisation de la gestion d’entreprise, droit d’expression des salariés, insertion des jeunes, des chômeurs, des femmes… Les nombreuses chartes qui ont ainsi fleuri depuis une demi-douzaine d’année