Dans une vie antérieure, j’ai occupé des fonctions de contrôleur de gestion dans un grand groupe industriel. Le « reporting » était alors tout sauf une tâche noble, les contrôleurs de gestion n’aimaient pas se voir réduits au rôle de bean counters ou de paper pushers -expressions très usitées aux Etats-Unis, assez méprisantes : compteurs de haricots et gratte papier- et laissaient ces besognes dégradantes aux comptables. Nous étions des professionnels du pilotage de la performance ! Non des calculettes vivantes, déjà que le titre de contrôleur de gestion n’était pas toujours facile à porter…

Aujourd’hui, la chercheure en management que je suis devenue rencontre régulièrement des managers de tous horizons, commerciaux, ingénieurs ou encore R&D, qui, tous, se plaignent de passer plus de temps à remplir les cases des tableaux de reporting qu’à exercer leur missions premières : vendre, produire, concevoir, etc. Les contrôleurs de gestion, quant à eux, souffrent d’un cantonnement de plus en plus prononcé à des tâches subalternes, bien loin des fonctions de business partner que l’on leur a fait miroiter.

Plus encore, le phénomène touche toutes les catégories de métiers. Aujourd’hui enseignant-chercheur, je compte et je mesure, l’évaluation des chercheurs se faisant sur la base de leurs publications. Les rankings, ces classements de revues ou d’universités sont devenus légions. Les revues académiques sont notées (de A+ à C) ou étoilées. Un chercheur vaut tant de A, tant d’étoiles, qu’importe finalement ce qu’il écrit ! Fait surprenant, le phénomène touche toutes les catégories de décideurs, dans une sorte de démocratisation par le haut du management et du reporting ; exemple emblématique, les ministres ont aussi été notés! La boucle est-elle ainsi bouclée ? Le reporting est-il l’outil ultime, définitif, insurpassable ?