Un « renversement historique » a fait d’une démarche d’apprentissage et de progrès continu mobilisateur pour les salariés un « passeport sûr pour l’échec », inefficace et rejeté. P. Lorino nous livre une analyse très documentée, puisant dans sa propre expérience de cadre dirigeant et de chercheur et son double diagnostic est précis1. Les principes du lean, ceux que les pères fondateurs revendiquaient après les avoir formulés il y a une trentaine d’années, sont excellents. Ce qui est mis en œuvre au nom de ces principes est exécrable. Cherchez l’erreur !

Aux origines, le toyotisme

L’originalité de la démarche lean est de s’attaquer simultanément à la satisfaction d’un objectif économique pour l’entreprise (éliminer le gaspillage), à celle de ses clients (mieux comprendre les demandes et leur variabilité) et à celle des salariés (à qui il faut laisser le temps d’un « retour réflexif sur leur propre activité » et celui de penser aux améliorations possibles), ce que la surcharge permanente de travail ne permet pas. Le Muda, le Mura et le Muri, pour parler la langue de ce qu’on a appelé aussi le toyotisme2, ne peuvent être ni séparés, ni hiérarchisés. Ils sont liés entre eux par un cercle vertueux et non par un enchaînement linéaire séparant logiquement et temporellement les fins et les moyens. Les promoteurs du « lean des origines » insistent également sur la dimension collective du travail et sur les processus continus d’apprentissage et d’amélioration, opposés aux outils et méthodes conçus comme des recettes définitives et indifférentes à la diversité des situations concrètes. Que l’on sache, ces principes n’ont pas nui à Toyota, premier constructeur automobile mondial. On est frappé par leur int