Quels sont les choix méthodologiques retenus pour mettre en place le télétravail ?

Claire Silva. Notre groupe n’a pas attendu la crise sanitaire pour proposer à l’ensemble de nos collaborateurs de pratiquer le télétravail. C’était une volonté forte depuis 2018 en partenariat avec les représentants des salariés. L’accord de télétravail signé à l’unanimité par les organisations syndicales représentatives et la Direction générale d’AG2R La Mondiale prévoit ainsi la possibilité pour celles et ceux qui le souhaitent de pratiquer le télétravail jusqu’à 2 jours par semaine, sous certaines conditions, y compris pour les salariés à temps partiel.
Nous avons posé le cadre juridique mais aussi sa dimension technique : équipement informatique mis à disposition par l’entreprise et sécurité associée, accompagnement dans le changement de culture qu’il implique pour les managers comme pour les collaborateurs, etc. Nous avons ainsi mis en œuvre un accompagnement spécifique de tous nos collaborateurs et managers à travers des modules e-learning et des ateliers en présentiel pour aider les équipes à se projeter dans cette nouvelle organisation du travail et leurs modes de fonctionnement à l’échelle de chaque équipe. Nous avons créé les conditions d’un partage local, et à l’initiative du manager de proximité.

Qui est concerné par ce déploiement depuis deux ans ?

C. S. Nous avons fait le choix d’un déploiement progressif en 3 étapes sur une année. Aujourd’hui, quelque 5 000 collaborateurs sur les 9 000 éligibles travaillent depuis leur domicile au moins un jour par semaine. Certains métiers ne sont effectivement pas éligibles au télétravail : les collaborateurs chargés d’entretenir les locaux et la maintenance des sites, mais également les commerciaux en contact avec les clients qui pratiquent déjà une forme de travail à distance. Tous nos collaborateurs ne souhaitent pas ou ne peuvent pas télétravailler et il est important de respecter leur choix. Nous distinguons bien le télétravail volontaire du télétravail contraint et subi en période de pandémie.

Quels sont les gains et les risques du télétravail ?

C. S. Le télétravail permet d’accroître la qualité de vie au travail, à travers le développement de l’autonomie, une réelle responsabilisation et confiance accordée aux équipes, une simplification de nos modes de fonctionnement et une réduction du temps passé dans les transports.
Il est important néanmoins de rester très attentifs à la prévention des risques psychosociaux et plus particulièrement à la détection des signaux faibles qui en situation de travail à distance peuvent devenir plus faibles encore.
Il est tout aussi important de sensibiliser les collaborateurs sur le droit à la déconnexion, de souligner l’importance des frontières à instaurer chez soi entre temps professionnel et temps personnel et d’outiller managers et collaborateurs pour maintenir le lien à distance. Il peut en effet exister des risques d’hyperactivité chez certains collaborateurs.
Je remarque que la crise actuelle et le télétravail contraint pour des millions de personnes peut remettre en cause ces bonnes pratiques. Le télétravail est un outil vertueux dès lors qu’on l’utilise de façon équilibrée. En revanche, lorsqu’on n’accompagne pas assez ce changement de culture et notamment les « lignes managériales » il existe un risque réel de les mettre en difficulté.
En gardant en tête l’importance de l’évaluation, de la progressivité et de l’accompagnement, cette crise sanitaire peut déboucher sur une mise en place généralisée du travail à domicile pour celles et ceux qui le peuvent et le souhaitent, un ou deux jours par semaine. Au-delà de deux ou trois jours par semaine, ce n’est plus seulement la question de la mise en œuvre du télétravail qui se pose mais celle de l’organisation du travail et du risque de dilution du collectif.
Il nous faudrait alors repenser la qualité de vie au travail (QVT) pour penser une qualité de vie du travail et les conditions de sa réalisation. Que signifie la QVT de chez soi ? Aujourd’hui beaucoup de salariés des services n’ont plus à se rendre au travail, c’est le travail qui vient à eux. A-t-on bien pensé ce que cela signifie pour leur quotidien, celui de leurs proches ? N’oublions pas que se déplacer de chez soi vers son employeur, c’est aller vers un collectif physique qui vous attend. En cela, travailler matériellement en proximité d’autres est une ressource professionnelle à préserver. Le télétravail est une opportunité, pas une contrainte de travail.