Quelles incidences les grandes évolutions enregistrées au niveau du marché du travail : montée des taux de chômage, développement du secteur des services, augmentation du taux d’emploi des femmes, développement des formes précaires d’emploi ont-elles eu sur l’efficacité des systèmes de protection sociale ? Quel impact ont eu les réformes des systèmes de protection sociale mis en œuvre dans les différents pays de l’OCDE sur les marchés du travail ? A quelles conditions les réformes entreprises ont-elles des chances de réussir ?

Ce sont les trois principales questions auxquels ce volumineux ouvrage collectif publié par l’association internationale de la sécurité sociale cherche à répondre. Plusieurs éléments ont particulièrement retenus notre attention.

Les réformes engagées dans les différents pays ont conduit à une modification de la logique en œuvre dans les systèmes de protection sociale liés à l‘emploi avec le passage de systèmes basés principalement sur la mise en place de revenu de remplacement à des systèmes visant à la promotion de l’emploi : politique d’insertion et politique active du marché du travail (mesures destinées à faciliter l’employabilité des demandeurs d’emploi par la formation, conseils pour la recherche d’emploi, aide au reclassement), réduction du coût du chômage et incitations à la reprise du travail (système d’impôt négatif sur le revenu, réduction du coût du travail).

Cependant, la comparaison internationale met en évidence l’existence de différences importantes entre les différents pays. En effet, la promotion de l’emploi n’a pas remplacé partout dans la même mesure le soutien au revenu en tant qu’objectif clé de la protection sociale et de grandes différences subsistent quant aux instruments utilisés pour atteindre cet objectif.

Ainsi dans les pays anglophones, la protection sociale liée à l’emploi consiste pour l’essentiel à établir un ensemble d’incitations financières qui poussent les intéressés vers l’emploi dans le cadre d’un marché du travail très largement déréglementé : prestations de chômage limitées, conditions d’activité exigées et impôt négatif pour les travailleurs pauvres.

En Europe continentale et les pays nordiques, l’importance donnée au travail est plus faible et les mesures destinées à accroître les taux d’emploi ne s’y limitent pas à renforcer les incitations au travail mais comportent une démarche volontaire visant à faciliter l’accès au marché du travail de certains groupes particuliers de la population. En outre, la réglementation du marché du travail et les accords salariaux obtenus par la négociation collective joue un rôle beaucoup plus important pour conserver des niveaux de vie acceptables pour la plus grande partie de la population active.

A cet égard il est intéressant de noter que dans plusieurs pays européens (Danemark, Pays Bas) des taux d’emploi élevés et à des taux de chômage faible ont été obtenus sans les inégalités de répartition du revenu qui ont marqué les expériences menées aux USA et au Royaume Uni.

Pour autant ces résultats reposent sur la capacité des gouvernements dans ses pays à coordonner leur politique avec les autres acteurs concernés et plus particulièrement avec les partenaires sociaux, pour traiter des problèmes et enjeux qui dépassent la division classique entre les domaines de la protection sociale, la politique fiscale, la réglementation du marché du travail…