Maurice Luneau. « Les cadres sont liés à leurs collègues par un destin commun », 1968

Hausse du coût de la vie, augmentation des cotisations de Sécurité sociale, compression d’effectifs, chômage, etc. Nul ne peut nier que les ingénieurs et cadres puissent avoir quelques raisons d’être mécontents de la politique suivie actuellement, en matière économique et sociale. Ce qui paraît, par contre, très contestable, c’est d’espérer que, défendant les cadres sur des problèmes spécifiques, on puisse déboucher sur une amélioration sérieuse de la situation. Car les difficultés actuelles, qui sont à la source du mécontentement exprimé, frappent tous les travailleurs et sont la conséquence directe de la politique mise en œuvre par le gouvernement. Qu’il s’agisse du problème de l’emploi ou de celui des incidences de la fiscalité et de la Sécurité sociale sur les budgets familiaux, ces mesures touchent tous les salariés qu’ils soient ou non « cadres ». Constater cela, c’est prendre conscience de la solidarité qui unit entre eux tous ceux qui sont dépendants du système économique actuel. Quelle peut être, en effet, la distinction fondamentale entre deux « chômeurs », l’un cadre, l’autre ouvrier, touchés tous deux dans leur dignité d’homme et de responsable d’un foyer, face au pouvoir économique qui les licencie ?

Et, pour que vraiment quelque chose change, ils doivent prendre conscience qu’ils subissent l’un comme l’autre les conséquences d’une certaine conception de la finalité de l’activité économique. Car, pour être très clair, il faut affirmer bien haut ce que d’aucuns hésitent et même souvent se refusent à admettre. Il n’y a pas trois groupes sociaux ; les patrons, les cadres et les autres. Il n’y en a que deux : ceux qui détiennent la puissance économique et ceux qui la subissent, qu’ils soient cadres ou non. C’est seulement lorsque l’on’ a admis cela que tout s’é