Repenser le rôle des cadres dans les organisations privées et publiques ressemble à une gageure tant le sujet est rebattu. Le récent livre de Vincent de Gaulejac « Travail, les raisons de la colère » a l’immense mérite de s’y attaquer en lien avec la question du mal-être au travail, mal-être vu « comme un phénomène social total qui révèle des transformations structurelles de notre société ». L’analyse des faux semblants d’une idéologie managériale et gestionnaire qui a « envahi non seulement l’entreprise mais aussi la politique, la famille, la vie associative » est précise et documentée. Les propositions qui en découlent vont aider les managers et tous ceux qui cherchent, désespérément, à sortir du dilemme funeste entre une colère impuissante ou dévastatrice et cette autre impasse qu’est la résignation, la démobilisation, la dépression ; tous ceux qui au travail « ne savent plus à quel sens se vouer ».

Vincent de Gaulejac est membre fondateur de l’Institut International de Sociologie clinique et son livre porte la marque de cette approche qui, plus que d’autres, permet de mettre en relation les processus sociaux et psychiques et de comprendre comment les individus vivent les situations de travail. S’il porte sur un sujet malheureusement toujours dans l’actualité, ce n’est pas un livre de circonstance. Il est nourri de plusieurs décennies de travail pour des organisations privées et publiques. Il est la suite de précédentes publications toujours indépendantes des modes intellectuelles, comme « Le coût de l’excellence » (1991), « La société malade de la gestion » (2005) ou « Qui est « je » (2009) ? ».

Revendiquant une approche pluridisciplinaire, le livre aborde aussi bien les aspects macro-économiques, les questions politiques et idéologiques (et le rôle des cabinets de consultants pour diffuser des modè