Sans doute ce chiffre doit-il être tempéré par le fait que les dirigeants de cette génération soient pour une bonne partie d’entre eux des salariés, et moins souvent les propriétaires de leurs entreprises : il y a quelques dizaines d’années, très rares étaient les grands patrons salariés. Reste que sous ces écarts scandaleux gît l’intuition d’une partition du salariat, entre ceux qui décollent et les autres. On sait en effet que les salariés ne touchant que le Smic sont passés de 26% à 33% de la population active en quelques années, un chiffre qui monte à 47% si l’on inclut ceux qui gagnent jusqu’à 1,6 Smic. Dans la fonction publique, ce sont les catégories scotchées au point d’indice qui souffrent le plus, au point d’avoir perdu près de 5 points de pouvoir d’achat en quelques années.

Les cadres semblent dans le privé comme dans le public moins mal lotis, avec des augmentations de salaire au rythme plus rapide ; depuis quatre ans, dans le privé, elles tournent autour de 3,6% par an en moyenne, ce qui, en tenant compte d’une fiscalité plus lourde, représente une progression du pouvoir d’achat du salaire moyen par tête de l’ordre de 1,5%. Ces chiffres cachent toutefois d’importantes disparités, qu’une enquête comme celle que nous menons chaque année avec le panel Oscar permet de mieux saisir. D’un métier à l’autre, d’un secteur à l’autre, d’un type d’entreprise à l’autre, le salariat homogène dont nous avons conservé l’image se révèle en réalité soumis à des lignes de fracture et de clivage. Il se polarise en fonction des âges, des fonctions, du sexe, et dans une catégorie donnée les situations peuvent varier fortement. Pour les jeunes ingénieurs, par exemple, suivant l’année pendant laquelle ils sont entrés sur le marché du travail, la courbe de leur niveau de rémunération ne partira pas du même point ; et il leur faudra plusieurs années pour rattraper c