Je suis issu d’une famille ouvrière, un père menuisier, une mère bonnetière à Troyes dans l’Aube, capitale historique de la bonneterie française. C’est peut-être difficile à concevoir aujourd’hui, mais mes parents envisageaient pour leurs enfants qu’ils accèdent à un métier d’un niveau social équivalent au leur sans pour autant rechercher l’accession à un statut social supérieur. La réussite passait d’abord par une bonne éducation et une capacité à travailler. Ainsi, mes parents m’offrent le choix de faire des études pour exercer la profession soit d’électricien soit de mécanicien. Après un brevet d’études professionnelles, j’ai travaillé pendant dix ans comme mécanicien automobile, dans le privé puis comme TUC (premier contrat aidé) au garage municipal de la Ville de Troyes où je serai par la suite titularisé. À l’adolescence j’ai été marqué par l’arrivée de la gauche au pouvoir. J’appartiens à ce que l’on appelle « la génération Mitterrand ». Empreint de valeurs sociales et humanistes, je m’engage au Parti socialiste (PS) mais suis vite déçu par le rôle donné aux militants de base à l’époque. Coller des affiches, rédiger des tracts et autres documents, s’épuiser dans des réunions interminables de section (à l’époque des lieux fumeurs en plus !), choisir entre les « éléphants »…, ce n’était pas trop pour moi. Je me suis donc mis en recherche d’un autre engagement militant, afin d’être utile et servir l’intérêt général.

C’est ainsi que j’adhère en 1994 à la CFDT de l’Aube, au syndicat Interco. Et là, on me sollicite immédiatement et me voilà élu secrétaire de section. Une belle expérience collective au service des salariés qui permettent de voir la section passer de 7 adhérents à près de 120 en l’espace de quatre ans… Ainsi, les années 1994-1999 ont été riches et formatrices notamment en matière de dialogue social, grâce par exemple aux négociations sur l’aménagement et la réduction du temps de travail. Cette activité me conduit à être sollicité dans la perspective de prendre la responsabilité du syndicat local. Mais je sens un manque de connaissances juridiques pour accompagner les agents. N’ayant pas le baccalauréat, je décide de reprendre mes études en m’inscrivant au certificat de capacité en droit. Savez-vous que c’est un diplôme universitaire conçu pour former les officiers ministériels de Napoléon ! Le programme est passionnant, de l’économie à la culture générale en passant par le droit civil, public, constitutionnel et commercial.

Début 1999, la fédération Interco CFDT cherche un secrétaire fédéral chargé de l’action revendicative. La municipalité me met à disposition auprès de la fédération et me voici « pendulaire » entre Paris et l’université de Troyes pour des cours du soir. Deux ans plus tard, mon diplôme en poche et permanent syndical, je suis élu secrétaire national en charge de l’action revendicative en 2001. Je suis ainsi amené à conduire la délégation CFDT au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale et dans les instances paritaires du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Côté études ma route semblait tracée lorsque je croise ma professeure de droit qui m’incite à poursuivre jusqu’à la licence. Parfois des rencontres sont déterminantes : j’ai ainsi obtenu un Deug de droit et de sciences politiques, puis une licence d’administration publique.

J’étais agent de catégorie C et décidais, dans ma lancée, de préparer seul le concours de rédacteur, en catégorie B. Puis ce sera le concours d’attaché territorial, catégorie A et plus tard l’examen professionnel d’attaché principal. Le garage municipal me paraît loin, même si cette expérience de service public local est un marqueur de mon ADN ! À ce moment de ma vie, j’ai dû choisir entre la filière professionnelle ou militante. Mettant temporairement cette dernière entre parenthèses, je suis recruté par le CNFPT en qualité de cadre pédagogique. Je m’investis alors pour le service public local de la formation tout en donnant des coups de main discrets au syndicat. Puis c’est l’expérience de la prise de responsabilité en direction générale de collectivité territoriale à La Chapelle-Saint-Luc, deuxième ville de l’agglomération troyenne, comme directeur général des services (DGS) auprès du nouveau et jeune maire de l’époque. C’était culotté de ma part comme attaché débutant, mais il faut savoir jouer des rencontres. Je reprends mes engagements militants auprès de l’Union régionale CFDT et siège au Conseil économique, social et environnemental régional. S’il est difficile pour les cadres d’être très actifs en section, il leur est possible notamment d’être utiles dans les structures interprofessionnelles au niveau régional. Cadre de direction et militant, c’est possible.

En 2008, j’intègre la mairie de Mondeville, dans le Calvados, comme DGS. Je contribue au pilotage de grands projets d’aménagement urbain dont celui de la presqu’île de Caen, un grand projet métropolitain. Mais… les études me manquent. Je présente en 2014 l’examen professionnel d’administrateur territorial. Réussite à l’appui, les administrateurs étant recrutés dans les collectivités de plus de 40 000 habitants, j’ai dû me mettre à la recherche d’une nouvelle affectation. Nommé directeur des ressources humaines, je reviens en Champagne-Ardenne, à la Région puis deviens DRH de la région Grand-Est. C’est à ce moment que la fédération Interco CFDT me demande, outre mes mandats fédéraux au conseil d’administration (CA) et au conseil national d’orientation (CNO) du CNFPT, de la représenter au sein du Bureau national de la CFDT Cadres en 2017. J’y suis élu en juin au congrès de Saint-Malo.

Professionnellement, je reviens à ce qui me tient le plus à cœur : la formation professionnelle comme levier d’émancipation des individus et des salariés. Nouvelle mutation en 2018, retour au CNFPT, je découvre l’Auvergne et ses collectivités territoriales en qualité de directeur de la délégation régionale du CNFPT à Clermont-Ferrand. La formation continue, c’est mon deuxième engagement. Il y a plusieurs années j’avais conçu et développé, avec de nombreux partenariats, un plan de formation dédié aux agents de communes rurales. Recensement des besoins organisé au plus proche des territoires par des secrétaires de mairie formés à l’exercice, formations dispensées au sein même des communes rurales constituent le cœur d’un projet collectif visant à renforcer l’accès à la formation des agents publics territoriaux en levant certaines contraintes. Résultat : en quatre ans c’est cinq fois plus d’agents formés parmi ceux qui exercent dans la ruralité au plus près des citoyens. C’est une qualité du service public rendu à l’usager qui s’en trouve renforcée. Formé à l’école de la deuxième chance à laquelle je dois beaucoup, j’ai à cœur de participer aujourd’hui à cette œuvre commune émancipatrice, républicaine et à haute valeur humaine qu’est la formation professionnelle tout au long de la vie. Avec le dialogue social et l’engagement syndical, ainsi que le service public local, c’est un beau triptyque qui jalonne en permanence ma carrière professionnelle.

En juillet 2020, je m’engage pour un mandat de secrétaire national au sein de la CFDT Cadres. En janvier 2023, je suis élu secrétaire général avec l’impression de marcher sur les routes de la « République sociale ». Un parcours qui sera utile pour servir les ambitions de la CFDT Cadres et pour convaincre les équipes d’aller à la rencontre des cadres afin de leur offrir la formidable opportunité d’adhérer.