Le 21 juin 2016, deux jours avant le vote qui décidera de la relation du Royaume-Uni dans l’Union européenne, la salle de l’Arena à Wembley est noire de monde. Plus de six mille personnes sont venues assister au dernier débat télévisé entre les partisans du Brexit et ceux de Remain. Des millions de téléspectateurs ont suivi ce débat acharné au cours duquel, entre deux mensonges bien choisis, Boris Johnson n’hésitera pas à déclarer : « le Brexit sera le jour de l’indépendance ». Dans l’imaginaire véhiculé par les Brexiters, le Royaume-Uni est un pays colonisé. Comme toutes les colonies, elle a ses colons qui contrôlent les richesses et s’installent dans le pays. Il s’agit toutefois d’une colonisation bicéphale avec une dimension politique incarnée par la Commission européenne et la Cour européenne de Justice, et une dimension de peuplement, celle des millions de migrants euro- péens venus notamment des pays d’Europe centrale et orientale. Il s’agit d’une colonisation où les « colons » imaginaires sont rarement de grands propriétaires terriens, mais des travailleurs, dont la majeure partie travaille au service des « colonisés » dans les hôpitaux, les hôtels ou les transports publics.

Ce 21 juin, sur la grande scène du débat, le camp du Remain est représenté par le leader des conservateurs écossais, Ruth Davidson, le maire de Londres, Sadiq Khan et Frances O’Grady, secrétaire de la Confédération des Syndicats britanniques (TUC)1. La présence de Frances O’Grady est le résultat de l’engagement des organisations syndicales dans la campagne du Remain, mais aussi des enjeux sociaux que le fameux « take back control » (« reprendre le contrôle ») des Brexiters a réussi à faire oublier.

Un rôle central des organisations syndical