La formation est sans doute l’outil ayant le plus contribué à la promotion sociale. Même si l’ascenseur social donne quelquefois l’impression d’être en dérangement, la perspective du choc démographique, annoncé en 2006, devrait le faire repartir. Un tiers seulement des personnes qui prennent leur retraite sont encore en situation de travail, et les départs ne seront sans doute pas tous renouvelés ; mais les entreprises devraient saisir cette opportunité pour réorganiser et moderniser leurs structures. Il convient donc de se préparer à cette mutation. Cela suppose d’accompagner et d’infléchir les évolutions du système de formation continue, afin de développer les modes d’apprentissages collectifs et de gagner la course aux compétences.

Du rapport Condorcet de 1792 à la loi de modernisation sociale de 2001 qui instaure la validation des acquis de l’expérience, on peut repérer des invariants dans la volonté d’accompagner les mutations économiques et techniques, les évolutions des emplois et des métiers, l’augmentation des savoirs individuels et collectifs, la pérennité des emplois et des entreprises et la promotion sociale. Les partenaires sociaux s’accordent à reconnaître la nécessité de réformer le système actuel ; il faudra parvenir à l’améliorer.

Quelle que soit la qualité du processus qu’ils détermineront, il ne pourra fonctionner que si tous les acteurs concernés jouent leur rôle. La reconnaissance des compétences individuelles et collectives est l’enjeu majeur de cette négociation. Pour la réussir, il faudra que le rapport à la formation évolue tant pour les institutions dispensatrices de diplômes que pour les cadres prescripteurs de formation, afin que le recours à la formation devienne un mode de gestion courant des entreprises et qu’il soit intégré tout au long du parcours professionnel.

La formation professionnelle a vocation à susciter la promotion sociale et joue un rôle déterminant pour certains salariés qui souhaitent accéder à la fonction cadre. C’est l’effet deuxième chance, obtenu par le congé individuel de formation. Ceux qui y ont recours en sont le plus souvent très satisfaits, mais ils témoignent tous des difficultés rencontrées, aussi bien pour s’informer que pour constituer leur dossier – sans parler des sacrifices auxquels ils ont dû consentir tout au long de la formation. Il ne s’agit pas de laisser croire qu’une formation qualifiante ne devrait nécessiter aucun effort, mais de l’encourager et la faciliter en intégrant tout au long du parcours professionnel des étapes clés qui balisent, pour chaque salarié, les moments privilégiés où il examinera les qualifications qu’il serait susceptible d’obtenir afin de planifier la façon d’y parvenir.

Certains entretiens professionnels, le bilan de compétences et le congé VAE en offrent l’occasion, mais ils ne sont pas encore assez répandus dans les pratiques de gestion. Les politiques de formations des entreprises devraient mieux les intégrer.

L’investissement dans une formation qualifiante représente un effort significatif, qui peut être facilité en amont du processus par un engagement contractuel, portant notamment sur la reconnaissance qui sera obtenue au retour de cette formation. Le parcours formation peut également être allégé si les institutions dispensatrices de diplômes s’impliquent totalement dans la validation des acquis de l’expérience.

Le rôle central du management

Le rôle des cadres dans ces processus devrait évoluer radicalement. Le chef qui sait et prescrit ce qu’il y a à faire, dit-on, commence à céder la place à l’entraîneur d’équipe qui veille à ce que le potentiel de chacun se développe et profite à la performance collective. A la CFDT Cadres, nous sommes convaincus que l’entreprise doit devenir une structure apprenante dans laquelle chaque salarié réalise un parcours professionnel de qualité et contribue aux performances collectives. Nous préconisons des modes de management valorisant la coopération, le respect de la personne et sa reconnaissance.

Parler d’entreprise apprenante, c’est reconnaître que le salarié apprend en situation de travail, en dehors du processus habituel de formation. Cela nécessite pour le manager de savoir reconnaître les compétences, sachant qu’elles résultent de la mise en œuvre et du dosage de plusieurs savoirs. Il doit pouvoir analyser les besoins en compétences en différenciant les savoirs qui demandent des actions de formation et ceux qui appellent d’autres formes d’apprentissage (mise en situation de travail, tutorat, intégration dans une autre organisation). Cela ne peut être réalisé qu’en associant le salarié qui reste l’acteur principal de son parcours professionnel. Il doit pour cela posséder les informations lui permettant de repérer les bonnes références à partir desquelles il pourra mesurer l’écart à combler et tracer le chemin à réaliser.

Le développement des observatoires de métiers est à cet égard une priorité. Cela permettra la construction des référentiels métiers, auxquels l’entreprise et le salarié pourront se référer pour décliner les activités d’aujourd’hui et de demain et définir les besoins en compétences.

La mise en place d’un passeport formation permettra la construction progressive des acquis et intensifiera la notion de parcours tout au long de sa vie professionnelle. Le manager ou le tuteur extérieur devront accompagner le salarié dans le repérage des évolutions possibles et dans la validation des compétences qu’il a acquises.

Les cadres doivent prendre conscience de leur capacité à influer sur les processus de gestion de ressources humaines en appliquant un mode de management coopératif. Il s’agit de créer des espaces d’apprentissage continu, où l’appétence cognitive individuelle est constamment entretenue et où la performance collective est reconnue. Cela nécessite un climat de confiance total qui ne peut être éprouvé que si la gestion du parcours professionnel est sécurisée à un niveau supérieur à l’entreprise.