Ils ont la trentaine aujourd’hui et sont cadres, syndiqués à la CFDT ou non. Nous leur avons demandé ce que leur dit cette période où ils étaient occupés à naître. Et comment ils voient leur métier, leurs fonctions, leur avenir. Quelles ressemblances, quelles différences avec la génération de leurs parents, la frontière cadre/non cadre existe-t-elle toujours autant, la hiérarchie est-elle pesante, les femmes ont-elles définitivement accédé à l’égalité des chances, quelle est leur charge de travail, concilient-ils vie professionnelle et vie privée ?

L’emploi est leur obsession, le travail - une fois qu’ils l’ont trouvé - les dévore. Ils ont envie de vivre mais n’ont pas forcément celle de changer le monde qui fut caractéristique de Mai. Autour d’eux on demande le droit à l’emploi plus que le droit à la démocratie, mais comme disait Surcouf, chacun se bat pour ce qui lui manque. Certaines revendications de Mai sont si bien passées dans les mÅ“urs que les enfants des manifestants d’hier ne comprennent plus qu’il n’en ait pas toujours été ainsi. Et à l’inverse, ils se demandent parfois pourquoi les étudiants de 1968 Ã©taient dans la rue alors qu’ils étaient sûrs de trouver du travail à la fin de leurs études.

Le monde dans lequel vivent les cadres de 1998 n’est pas celui dans lequel vivaient les cadres de 1968, ce n’est pas une découverte. Les cadres de 1998 ne sont pas ceux de 1968, c’est une banalité. La hiérarchie est moins pesante, ce n’est pas pour autant qu’elle a disparu ; les financiers ont pris le pouvoir dans les grandes entreprises privées et inquiètent le secteur public ; l’Europe est passée de six à quinze, de l’acier à l’euro. Bien moins hexagonaux que leurs aînés, ils vivent dans le contexte d’une mondialisation économico-financière, pas d’une révolution internationale, mais l’une comme