La trace laissée par Eugène Descamps, premier secrétaire général de la CFDT et l’un des principaux artisans de la déconfessionnalisation de la CFTC, justifiait bien que l’on se penchât sur cette période charnière du syndicalisme chrétien de l’après-guerre. Exercice difficile que de restituer cette histoire du temps présent mais de nombreux entretiens avec les principaux protagonistes de la déconfessionnalisation sont venus enrichir la mémoire collective de cette époque et nourrir la réflexion du biographe. Universitaire spécialiste de l’histoire du syndicalisme, Franck Georgi a eu accès à de nombreuses sources inédites, archives syndicales et personnelles - y compris celles privées d’Eugène Descamps - pour rédiger cette biographie.

On suivra avec intérêt les éclairages successifs sur le parcours d’Eugène Descamps : l’empreinte ouvrière familiale, l’école de la JOC, le syndicalisme chrétien chez les métallos, la conquête de la CFTC, la guerre d’Algérie et l’ancrage à gauche, l’unité d’action et la crise de mai 68. Moins connus mais tout aussi riches d’enseignement furent les derniers combats : l’enseignement atypique à l’Université de Nanterre doublé d’une présence active au sein de la section locale du SGEN, mais aussi l’attitude critique vis à vis des inflexions données par Edmond Maire à la ligne confédérale. Relativement réservé dans les années soixante-dix et favorable au recentrage de la CFDT, Eugène Descamps ne ménagea pas ses critiques vers la fin des années quatre-vingt, portant une appréciation sévère sur le bilan de son successeur.

La qualité de cette biographie laisse deviner la trame d’un itinéraire singulier, celui d’une génération de militants porteurs d’un engagement qu’ils aimaient à définir ainsi : « L’esprit avec le ciel, le cœur avec les hommes, ... et les pieds sur terre ! ».