« Quelles sont les parties prenantes, leur intérêt propre et les intérêts convergents dans ce projet ? »
Cette nouvelle ère industrielle implique une multitude de parties prenantes, au premier rang desquelles les actuels et futurs employeurs, accompagnés par les collectivités locales, les acteurs du service public de l’emploi ainsi que les acteurs économiques locaux comme nationaux, au vu de l’ampleur du projet et du rayonnement qu’il représente pour la France. Dès les premières annonces, et bien que notre présence en tant qu’acteur n’était pas évidente pour tout le monde, la CFDT Hauts-de-France s’est positionnée afin de s’assurer que la voix des travailleurs et plus largement celle des citoyens du territoire soient prises en compte.
Si l’ensemble des acteurs souhaite la réussite du projet, nos priorités peuvent diverger de même que nos analyses, notamment sur nos prérogatives respectives :
- Les entreprises du secteur cherchent à assurer la rentabilité de leurs investissements et à renforcer leur position sur le marché.
- Les collectivités territoriales et acteurs politiques, tout en étant attentives aux retombées économiques locales, à l’acceptabilité sociale des projets et à leur impact environnemental, se concentrent sur le rayonnement du territoire et essaient de s’assurer que ces nouvelles implantations et nouveaux emplois trouvent une place harmonieuse dans la région.
- Les salariés et syndicats, notamment la CFDT et le groupe TED (Terres d’Energie Dunkerquoise) constitué spécifiquement pour ce projet, ont pour priorité la qualité des emplois qui seront créés (les emplois industriels dans les usines mais également les emplois induits par l’arrivée de nouveaux travailleurs et leurs familles, dans les administrations et services publics notamment), l’amélioration des conditions de travail et la garantie de perspectives professionnelles stables. Nous souhaitons faire de ce projet une opportunité pour impulser une approche nouvelle : « vivre mieux et travailler autrement ».
- Les associations citoyennes veillent à la préservation du cadre de vie, à la protection de l’environnement et à la transparence des processus décisionnels.
Les intérêts de l’ensemble des acteurs convergent principalement autour de la transition énergétique, de la création d’emplois locaux et du développement économique régional. Toutefois, des situations conflictuelles peuvent émerger concernant l’impact environnemental car les approches et le niveau d’acceptabilité diffèrent selon les acteurs : par exemple, dans le cadre des débats publics sur l’implantation des deux nouveaux EPR à Gravelines et de l’éolienne offshore ou encore au sujet des nuisances potentielles et de la répartition des bénéfices économiques. La concentration des flux financiers par la seule Communauté Urbaine de Dunkerque suscite également des interrogations sur les répercussions pour les agglomérations voisines qui accueilleront et doteront en infrastructures (logements, routes, écoles, etc.) les travailleurs de ces nouvelles usines.
« Comment se régule un tel projet, quelles sont la place et la responsabilité de l’Uri CFDT ? »
La régulation de ce projet repose sur des concertations publiques et des espaces de dialogue réunissant les différentes parties prenantes. La conférence sociale installée par la Communauté Urbaine de Dunkerque le 15 octobre dernier a permis à la CFDT Hauts-de-France de partager son analyse du projet, de pointer les enjeux qu’elle a identifiés et de se positionner comme un acteur indispensable pour la réussite du projet. Cette conférence sociale, à la demande de la CFDT, s’articule autour de séances plénières et de commissions thématiques permettant de traiter de façon très concrète l’ensemble des sujets afférents au projet (emplois, aménagement du territoire). Ces espaces de dialogue et de construction visent également à favoriser l’acceptabilité sociale des projets et à ne pas reproduire les travers néfastes des décisions du passé en termes de QVCT.
L’Union régionale interprofessionnelle CFDT joue un rôle clé en coordonnant l’action des différents syndicats professionnels impactés sur le territoire pour assurer une cohérence dans leurs positions et actions syndicales à l’échelle régionale. Elle représente également la CFDT dans les institutions régionales, notamment dans les discussions sur les politiques publiques liées à l’énergie et à l’emploi. Enfin, elle assure la formation syndicale pour renforcer les compétences des représentants syndicaux afin de négocier des accords permettant de travailler mieux et autrement. Par ces actions, la CFDT Hauts-de-France contribue activement à la régulation des projets énergétiques en défendant les intérêts des travailleurs tout en soutenant une transition énergétique juste.
« Peut-on parler d’un enjeu politique sur un territoire où la population est tentée par le populisme ? »
Dans un contexte politique marqué par la montée du populisme et des idées d’extrême droite, ce projet de nouvelle ère industrielle centrée sur la décarbonation est une formidable opportunité pour combattre les idées reçues sur les métiers de l’industrie (qui souffrent parfois dans notre région d’un défaut d’attractivité qui s’explique notamment par quarante années de désindustrialisation et des campagnes vantant les métiers du tertiaire), mais également les croyances sur une transition écologique qui serait irréaliste et punitive. Avec ce projet, la transition écologique juste peut se mettre en œuvre de façon très concrète tout en générant des emplois et des aménagements sur le territoire au bénéfice des travailleurs et de leurs familles. Cela va à rebours de tous les arguments portés publiquement par les représentants de partis populistes et d’extrême droite.
Par ailleurs, le projet porté par la CFDT autour du concept « vivre mieux et travailler autrement » sur ce territoire vise à rendre les travailleurs et, plus largement les citoyens, tous acteurs de ce projet. Pouvoir s’exprimer sur son travail, pouvoir agir sur son quotidien, pouvoir influer sur la vie du territoire sont selon nous des leviers très efficaces pour l’émancipation de chacun et, en fin de compte, relancer une dynamique de progrès social et économique pour tous. Lors des dernières élections législatives, nombre d’électeurs de ce territoire évoquaient les difficultés d’emploi, un sentiment de dépossession, un manque de services publics, l’impression de ne pas être écoutés... Nous avons la conviction que ce projet peut répondre à nombre de ces expressions et, de fait, enrayer la montée des idées populistes et d’extrême droite.