La crise sanitaire questionne l’organisation du travail. Tous les milieux professionnels font face à une situation inédite. Leur management, leurs relations sociales et les conditions de travail sont brutalement et durablement concernés. Des entreprises freinent leurs activités, d’autres les réorientent, beaucoup revoient leur organisation. Des millions d’actifs font l’expérience d’un travail contraint à distance de leur manager, de leurs clients ou usagers, et de leurs collègues. Certains secteurs sont en surcharge, en hyper-engagement. D’autres souffrent différemment avec des remises en cause lourdes de projets de développement, voire des suppressions de postes.
Les équipes changent leurs habitudes, les relations sont différentes, le stress gagne du terrain et il use, tant les mois de pandémie et de ses conséquences multiples s’allongent. Les masses d’informations, les contraintes et les adaptations s’accumulent : nous vivons dans une incertitude qui décuple les difficultés chroniques.
Celle-ci renforce la tension entre la nécessaire prescription uniforme que revêtent souvent les décisions et arbitrages de crises, et l’impossibilité de se détourner d’une écoute du terrain. Car la société s’ajuste à la crise : des collectifs s’organisent, prennent des décisions, poursuivent leurs engagements professionnels. Le monde syndical et paritaire déploie des projets concrets, notamment pour aider les jeunes et ceux qui perdent leur emploi. La CFDT Cadres s’est investie cette année dans deux accords nationaux interprofessionnels, sur l’encadrement et pour un télétravail réussi : ils poussent à un dialogue social et professionnel pour soutenir l’activité.
Car les attentes sont fortes d’un besoin de soutien social. Qu’est-ce qui permet au salarié de tenir, de concilier, de travailler, de dépasser si possible la sidération ? La grande différence avec le printemps est que nous sommes passés d’une situation dans laquelle on déployait un sprint en imaginant la fin, à quelque chose de plus complexe, à une course de fond, dont l’issue est floue.
Sans doute les rôles de soutien au travail réel et quotidien sont-ils déterminants. Organiser les coopérations, écouter l’activité et les aspirations. Le travail réel sort renforcé dans cette période de travail à distance, de confinement, de désorganisation. Les cadres, managers, experts, dirigeants sont appelés à déléguer davantage, à faire confiance, à revoir les pratiques de prescription et de contrôle de l’activité, à laisser plus les initiatives. Tout en soutenant le travail, en situant le salarié comme un acteur, comme nous y invite une certaine tradition sociologique. Acteur plutôt que victime, voilà une posture équilibrante, voire un peu rassurante.
Reste à savoir si les entreprises sauront pérenniser ces formes d’autorégulation, d’agilité. Le contexte pousse-t-il au contraire à une reprise en main organisationnelle ? A l’image du télétravail qui brouille les frontières de nos vies mais permet de maintenir des activités, de la place de l’expertise à la fois défiée dans ses modèles et attendue pour donner des réponses, de la politique publique faite de décisions plus ou moins lisibles, cette crise a un effet démultiplicateur de nos questions sociales. La société civile organisée peut-elle en sortir grandie ou bien l’avenir passe par un Etat-providence renforcé ? Le monde d’après est-il fait d’autonomies distribuées ou d’une planification rassurante tant les enjeux sont massifs ? La récession latente amène-t-elle à accélérer des transitions durables ou nécessite-t-elle – car l’avènement de modèles demande du temps – de repartir comme avant au plus vite ?
Nous avons devant nous quelques mois particulièrement engageants. La CFDT Cadres vous renouvelle son engagement à être à l’écoute du travail, de vos préoccupations, comme d’offrir des espaces de recul et de respiration. L’incertitude s’affronte à plusieurs.