Comment réformer l’État-providence ? Comment rendre notre société plus juste et solidaire ? En s’appuyant sur les théories de la justice d’Amartya Sen et John Rawls et les travaux réalisés dans le cadre du Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC) depuis une dizaine d’années, Jacques Delors et Michel Dollé proposent d’instaurer un État d’investissement social pour s’attaquer directement aux racines même des inégalités et permettre à chacun de trouver sa place dans la société.

Passer d’une simple logique de dépense à une logique d’investissement, c’est changer totalement l’imaginaire du social, encore mal dégagé d’une vision caritative de la redistribution, pour faire prévaloir un modèle beaucoup plus dynamique, celui de la création de valeur. Un modèle qui prêtera moins le flanc aux sempiternelles critiques sur l’État dépensier et le « coût » du modèle social, révélant et développant au contraire les vertus dynamisantes d’une réelle égalité des possibles.

Pour les auteurs, c’est logiquement dès l’enfance qu’il faut agir pour rendre effective cette égalité. Pour eux, la politique familiale devrait s’adresser prioritairement aux plus pauvres et aux familles monoparentales. Surtout, la clé de la réforme de l’État-providence passe par une réorganisation en profondeur du système éducatif, de la création d’un service public de la petite enfance à la priorité financière accordée à l’école primaire et au collège et au renouvellement des méthodes d’enseignement qui devraient aider chaque enfant à s‘épanouir. À la sortie du système éducatif, la formation permanente, qui profite presque systématiquement aux plus diplômés, devrait aussi être revue de fond en comble.

Les auteurs passent également en revue dans ce livre quelques grandes réformes emblématiques des deux premières années du quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Pour mieux traiter le douloureux problème du chômage endémique, les auteurs préconisent par exemple l’instauration d’un service public de l’emploi qui permettrait, selon les principes d’une vraie solidarité, de s’occuper aussi des 900 000 demandeurs d’emploi qui ne reçoivent actuellement aucune allocation chômage.

Les différentes réformes du traitement du chômage durant l’année 2008 (création de Pôle emploi et fusion de l’ANPE et des Assedic en février, loi précisant les droits et devoirs de demandeurs d’emploi en août, instauration du RSA, renégociation de la convention d’assurance-chômage durant le dernier trimestre) sont à cet égard très décevantes car l’essentiel n’a pas été accompli : le champ de l’assurance-chômage n’a pas été généralisé, plus du quart de l’emploi français ne participe encore que marginalement au financement de l’indemnisation du chômage, la composante « contributive » de l’assurance-chômage n’a pas été réduite, le RSA ne pousse pas suffisamment au retour à l’emploi et les responsabilités ainsi que la prise de décision sont beaucoup trop éparpillées entre les niveaux national, régional, départemental et les partenaires sociaux pour être efficaces.

La crise, qui en une seule année, a fait passer du primat de l’individu et du marché à un appel au recours de l’Etat régulateur et protecteur, donne toute sa dimension à ce livre politique, presque programmatique, qui propose en investissant dans le social de vraies solutions alternatives pour construire une société plus solidaire.