« Rupture historique » titrait Syndicalisme Hebdo à l’occasion de la prise de vice-présidence de l’AGIRC par la CFDT, après un vote de renouvellement : 27 voix pour la candidature CFDT et 12 pour la candidature CFE-CGC. Après 65 ans de cohabitation MEDEF – CGC à la présidence de l’institution, on peut effectivement parler de rupture historique. Je l’ai exprimé aussi dans un billet hebdomadaire de mon blog dont je me permets de vous livrer un extrait :

Comment en est-on arrivé là ? La CGC s’est mise hors-jeu toute seule après sa non signature du dernier accord sur les retraites complémentaires et, qui plus est, en exerçant un recours devant le Conseil d’Etat. Elle pouvait difficilement revendiquer la vice-présidence de gestion paritaire pour appliquer une feuille de route qu’elle n’avait pas signée.

Mais il convient de rappeler que cela a été possible grâce à un vote par personne et non par collège, ce que nous revendiquons dans la négociation sur le paritarisme.

Qu’en aurait-il été sur la base de la représentativité, qui fait aussi débat dans la négociation en cours sur le paritarisme ?

La CGC conteste aujourd’hui notre légitimité. Trois chiffres donnent des indications sur notre audience auprès des cadres. Si la base retenue portait sur les élections professionnelles dans les caisses de retraite, il n’y a pas photo, la CGC l’emporterait (36,91% des voix contre 25,26% à la CFDT). S’il s’agissait des résultats aux élections professionnelles dans les entreprises du secteur privé, il n’y aurait pas non plus photo à ce jour, la CGC l’emporterait d’au moins cinq points, même si le bilan sera effectué et connu en 2013. Tout cela est vrai, mais la CFDT est aujourd’hui la première organisation chez les cadres, et c’est peut-être ce qui compte le plus.

Nous ne boudons donc pas notre victoire, même s’il nous reste du chemin à parcourir.

Sur le chemin de la représentativité, il y a une première échéance en 2012 avec les élections dans les TPE. Vous savez comme moi qu’il y aura un collège encadrement, là aussi héritage du passé, qui n’empêche nullement les organisations dites catégorielles de présenter des candidats dans d’autres collèges. Ce collège n’existera peut-être plus dans dix ans, mais en attendant, il faut faire avec et, là aussi, je crains qu’il n’y ait pas photo, si nous ne nous mobilisons pas. Le premier réflexe des salariés votant dans ce collège encadrement n’est pas CFDT mais majoritairement CGC. Une organisation qui ne manquera pas, malgré l’épisode AGIRC, de revendiquer « les cadres et l’encadrement, c’est nous ! ». Il va donc falloir aller chercher les voix et le résultat. Vous pouvez compter sur la CFDT Cadres pour vous accompagner pour cela au moment de la campagne de proximité en lien avec la Confédération. Parlons aux cadres, et laissons leur une place où ils pourront s’exprimer, parler de leur réalité professionnelle et portons leurs revendications, leur spécificité avec les valeurs de la CFDT. Ils voteront plus facilement CFDT.

Cette élection AGIRC et les débats parfois virulents qu’elle a entraînés pose une question : reconnaître la singularité des cadres justifie-t-il de les mettre dans des boîtes, des catégories, des collèges, alors qu’elle concerne d’abord le travail, les rôles professionnels, les identités de métiers ou de fonctions ou les niveaux de responsabilité, de qualification et parfois de rémunération des cadres. Quand il est question du « spécifique », l’organisationnel l’emporte sur le professionnel et c’est bien là une divergence profonde d’analyse avec d’autres organisations syndicales. La bonne réponse à l’investissement et au niveau de responsabilité des cadres passe d’abord par un niveau de rémunération digne de leur engagement, par un taux de remplacement correct pour leur retraite et non par la défense d’un statut qui n’est plus protecteur, sinon comment expliquer qu’un tiers des cadres soit au-dessous du niveau de plafond de la Sécurité Sociale.

La singularité doit pouvoir exister, s’exprimer dans des collectifs pluriels, sans passer par la mise en boîtes dont notre pays raffole tant ! C’est ce que nous avons affirmé à l’occasion des 15 ans de l’Observatoire des Cadres en présence de François Chérèque. À cette occasion, nous avons sollicité Pierre Rosanvallon pour commenter la singularité d’un syndicalisme cadre dans notre confédération multi-catégorielle, tout un programme.