Au-delà de la multiplicité des slogans, des mots d’ordre syndicaux et des revendications spécifiques à telle ou telle partie du salariat, ce qui s’est exprimé au cours des manifestations du mois de mai, c’est un refus de voir augmenter le poids relatif de notre temps de vie consacré à l’activité professionnelle. Sans parler de la revendication maximaliste des « 37,5 annuités pour tous », le refus d’augmenter la durée de cotisation revient même à exiger, compte tenu de l’élévation de l’espérance de vie, la demande d’encore plus de temps libre.

Depuis une vingtaine d’années, les socialistes au pouvoir ont poursuivi l’objectif d’une réduction du temps contraint par le travail, que ce soit sous la forme d’une réduction de l’âge du départ à la retraite, d’une extension des congés ou d’une diminution de la durée hebdomadaire du temps de travail. Or, on assiste simultanément à une dégradation réelle des conditions de travail pour une part croissante du salariat. Cela prend la forme d’une précarisation parfois extrême, pour tous ceux qui ne parviennent pas à échapper à la succession des CDD, missions d’intérim, stages et périodes de chômage. Pour ce salariat « silencieux », l’idée même de manifester, de faire grève ou simplement de faire valoir des droits paraît trop souvent impensable. Plus largement, la passivité de l’immense majorité des salariés du secteur privé lors des mouvements sociaux que la France a connus depuis 1995 suggère bien quelles pressions patronale et managériale s’exercent sur eux. Dans le service public, on ne peut ignorer la dégradation des conditions de travail ou de « l’estime de soi » pour les agents les plus directement confrontés au délitement du lien social, et notamment les enseignants. Faute d’un dialogue social de qualité, le sempiternel discours sur la réforme de l’Etat manque de lisibilité quant aux objectifs de la modernisation, les missions