Alors que dans les années 1980, d’aucuns prophétisaient la disparition du travail non qualifié, on assiste depuis le milieu des années 1990 à son grand retour, qui va de pair avec une profonde mutation. En 2002, 5,3 millions de salariés occupaient un emploi non qualifié, soit plus de 20% de l’emploi total en France.

Il y a vingt ans, la population des non qualifiés était majoritairement ouvrière, masculine et industrielle. Elle est maintenant en grande partie employée, féminine et tertiaire. Près des deux tiers des non qualifiés sont des employés et les femmes représentent près des deux tiers de l’emploi non qualifié. Plus jeunes et moins diplômés que les salariés qualifiés, les non qualifiés sont plus fréquemment salariés à temps partiel dans les emplois les plus précaires. Les assistantes maternelles, les vendeurs et les agents de service sont les professions les plus nombreuses.

A travers ces mesures, les auteurs posent une question centrale : comment identifier le travail non qualifié ? Paul Santelmann s’interrogeait déjà en 2002 sur la pertinence du terme, dans un essai sous-titré En finir avec la notion d’emplois non qualifiés (Qualifications et compétences, Liaisons, 2002). La notion de qualification, en effet, est équivoque : elle peut concerner l’emploi (le poste de travail), le travail effectué ou la personne qui l’effectue. Pour le travail qualifié, il y a congruence entre les trois sommets de ce « triangle de la qualification », c’est-à-dire que le salarié, doté de titres reconnus ou d’une expérience équivalente, exerce des fonctions spécifiques moyennant un salaire explicitement en rapport avec ses titres et fonction. Ce n’est pas le cas pour le travail non qualifié où il y a discordance entre trois pôles de qualification. D’où l’interrogation des contributeurs de cet ouvrage : les salariés non qualifiés seraient-ils pour autant sans qualité ni compétences ?

Certains auteurs tentent de mesurer, en termes de création d’emplois, les effets des allégements de cotisations sociales sur les emplois peu ou pas qualifiés. Au delà des estimations, l’interrogation demeure : l’efficacité à terme d’une politique qui ne saurait, pour éviter l’exclusion des peu qualifiés, parvenir à baisser le coût du travail au niveau des pays à bas salaires. D’où l’intérêt des actions sur la reconnaissance de leur qualification ou encore des actions en direction des 60 00 jeunes qui sortent du système scolaire sans « qualification », au sens de « sans diplôme ». Améliorer la prise en compte, en début et en cours de carrière, des compétences mises en œuvre par les salariés devient un défi majeur pour l’ensemble des décideurs et négociateurs si l’on veut progresser vers l’objectif européen d’une économie de la connaissance.