Dans cet ouvrage, publié au tout début de l’année 1997, Alain Lebaube dresse un panorama extrêmement précis et documenté de l’évolution de la valeur Travail dans un monde économique en plein bouleversement.

L’auteur qualifie notre époque de « moment de bascule », entre une ère industrielle où la norme était l’emploi pour tous, à plein temps et à durée indéterminée, avec une protection sociale organisée en fonction du statut professionnel et une ère postindustrielle, caractérisée notamment par l’introduction massive de nouvelles technologies et la mondialisation des échanges, conduisant à d’inévitables et fantastiques mutations dans les rapports entre l’emploi, le salariat et l’entreprise.

Avant d’étudier ces rapports, Alain Lebaube insiste sur les « illusions » qui nous poussent à penser que les « Trente Glorieuses », ces années 1945 à 1975 de prospérité vécues avec un mode de production taylorien, représentent un modèle, constituent LA référence au mode de travail, alors qu’elles doivent être considérées comme un cycle de durée limitée dans l’histoire économique.

Il précise en outre que ces « illusions » se ressentent particulièrement en France, pays de tradition d’ingénieurs, où notre culture privilégie le rapport à la technique et les critères de gain de productivité et où nous avons tendance à dévaloriser les services à la personne, nous privant ainsi partiellement de nouvelles sources d’emplois.

Ce cadre ainsi posé, Alain Lebaube revient sur l’évolution de l’emploi. Il constate une exigence de qualification accrue, un raisonnement en terme de fonctions plutôt que de classifications, une recherche de professionnalité.

En face, il observe un chômage dont on ne voit pas comment il pourrait se réduire notablement dans des délais acceptables, d’autant que les règles de fonctionnement de l’économie mondiale ne permettraient pas d’afficher une croissance trop considérable qui pourrait être taxée de « surchauffe ».

Il s’arrête sur ce qu’il appelle « les nouveaux périmètres de l’emploi » (une personne qui travaille 78 heures par mois n’est plus demandeur d’emploi) pour préciser qu’il faut s’habituer à considérer que l’emploi peut être morcelé et même précaire (en CDD, à temps partiel, ...).

C’est là, pour Alain Lebaube, l’une des trois mutations qu’il observe : l’emploi, le travail et l’entreprise.

Le travail est, lui aussi, en pleine mutation parce qu’il ne correspond plus à la seule production. Il est informel, de plus en plus abstrait. La valeur de la qualité d’un travail dépend davantage de la qualité et de la pertinence de l’intervention.

L’auteur caractérise cette mutation par « trois fractures décisives » : « la fin programmée du rapport du travail au temps, la remise en cause du rapport du travail à l’espace, la généralisation du phénomène dit de tertiarisation ».

Autant d’éléments qui rendent très pressante une adaptation à ces nouvelles règles. Il faut faire preuve d’imagination, penser de nouveaux systèmes d’organisation, ne pas écarter un fonctionnement additionnant de petits bouts d’emplois.

Ces nouvelles exigences concernent aussi l’entreprise, de plus en plus tenue d’être performante. D’ailleurs comment connaître cette performance ?

Alain Lebaube rappelle une position prise par Jean Gandois en 1992 lorsqu’il essayait de « démontrer que la performance ne se réduisait pas à des éléments de rentabilité immédiate ». La recherche, la technologie, l’innovation, la « mise en valeur de la richesse humaine » auraient dû, à ses yeux, pouvoir entrer en ligne de compte dans cette évaluation.

Cependant, actuellement, dans son souci de performance et de gestion, l’entreprise recherche toute la souplesse possible en terme de politique sociale. On parle de flexibilité interne et de flexibilité externe.

En dernier lieu, l’entreprise peut éclater. Elle externalise.

L’idée directrice des dirigeants d’entreprise consiste dans le recentrage sur le métier de base. Ce qui conduit à se séparer de services peu stratégiques (intendance, restauration, nettoyage, comptabilité, etc.), à « délocaliser » les salariés de ces services vers un prestataire qui prendra le relais, avec des conséquences souvent néfastes pour le personnel mais, par ailleurs, positives lorsqu’elles favorisent la professionnalisation des métiers.

En conclusion, Alain Lebaube invite à repenser le travail, à ne plus se centrer sur l’entreprise, le salariat et le travail, à chercher à travailler autrement.

Quelques unes des pistes, étudiées dans le corps de l’ouvrage, sont reprises : réduction du temps de travail, employabilité, notion de pluriactivité.

Une aspiration à une autre qualité de vie se dégage et de nouvelles demandes émergent dans l’environnement, l’habitat, la rénovation de quartiers déshérités. Les services aux personnes, avec l’allongement de la vie, représentent une source d’activités non négligeable.

L’une des idées fortes de cet ouvrage, c’est qu’il est vraiment nécessaire de trouver les bases d’un autre lien social que le travail, d’un autre sens à la vie et que c’est bien un choix de société qui est en cause.