Comment parler du travail des syndicalistes ? Mais travaillent-ils vraiment ? Nombre de militants rencontrés sur leurs lieux d’action, qu’il s’agisse de l’entreprise ou des structures syndicales, n’utilisent jamais le terme de travail pour qualifier leur activité. Cela ne veut évidemment pas dire qu’ils ne font rien, mais ce qu’ils font échappe largement aux recherches auxquelles on se livre pour produire une analyse du travail. Cela ne veut pas dire non plus qu’ils ne produisent rien, mais leur production ne rentre que difficilement dans les cadres de l’analyse économique.1 Le temps de l’activité militante, par ailleurs, se plie mal aux règles que ces mêmes militants tentent d’imposer dans leurs entreprises. Il se caractérise par l’arythmie, l’hétérogénéité des tâches, la confusion des temps et, parfois, l’envahissement total du temps par la militance. On peut déduire de ces brèves remarques qu’il faut sortir des catégories du travail et se référer à celles du militantisme pour comprendre l’activité syndicale. Les catégories à mobiliser alors pour la comprendre appartiennent essentiellement aux registres de la psychologie, de la morale et de l’éthique. L’engagement, le souci du bien collectif, le don de soi ne peuvent attendre en retour, qu’une reconnaissance symbolique et, accessoirement, matérielle. Mais comment se satisfaire de ce seul type de reconnaissance dans un monde dominé par le travail et par « l’accountability » ?

Le travail rattrape le militant

Différents indices signalent que le travail tend à rattraper cette forme singulière de militantisme qu’est le syndicalisme.

Le premier a trait à l’évolution du militantisme lui-même. On ne dispose guère de chiffres précis pour supporter cet argument, mais de l’avis de tous les responsables syndicaux, de moins en