La lecture des manuels de management de projet, comme le PMBok donne l’image d’un métier ennuyeux, bureaucratique, focalisé sur le suivi des plannings et des coûts. Ce n’est pas le récit qu’en proposent les chefs de projets que j’ai rencontrés : souvent très engagés personnellement, ils sont sollicités en permanence par des aléas non anticipés, et développent de nombreuses compétences d’adaptation. Ils doivent s’adapter et arbitrer entre des injonctions contradictoires, des plannings irréalistes, des contrats inapplicables, des commanditaires trop distants du terrain. Ils se plaignent volontiers du carcan formel provenant des méthodes de planification et de contractualisation, tout en mettant en valeur leur capacité de réactivité, de négociation, de bricolage. Par exemple, un chef de projet de rénovation d’une usine constate au démontage qu’une partie des équipements démontés ne sont pas réutilisables. Un autre chef de projet de construction d’usine doit faire face à des erreurs de conception, des équipements impossibles à assembler en l’état… Un troisième évoque la cessation d’activité d’un sous-traitant qui devrait intervenir le jour même. À chaque fois ils doivent rechercher des solutions techniques, identifier les alternatives et leurs différentes conséquences sur les autres lots du projet, réorganiser des tâches. Ils ne sont pas seuls pour cela : la recherche de solution est collective, ils peuvent solliciter des appuis techniques, et doivent obtenir différentes validations, si cela a un impact sur les engagements du projet… D’où le titre provocateur du livre issu de mes enquêtes : Antimanuel de management de projet[1]. Il s’agissait de rendre hommage à cette expérience vécue qui n’est pas présentée dans les manuels, et à ces compétences qui se développent à la marge des méthodes formelles. Bien entendu, je n’en suis pas resté à une simple critique des méthodes de managemen