Son analyse part d’un constat : « alors que presque tous les facteurs de production – l’argent, la technologie, les usines, les équipements – se déplacent sans effort à travers les frontières, l’idée même d’une économie américaine a perdu son sens, de même que la notion de firme américaine, de capital américain, de produits américains, de technologie américaine ». Notant que cette transformation n’épargne aucune nation, il en vient à se demander si l’idée d’une nation-Etat comme ensemble d’individus partageant la même responsabilité quant à leur bien-être mutuel appartient au passé. Intuition dérangeante, mais qui pose avec précision la question désormais brûlante de modèles sociaux européens non seulement mis à l’épreuve par la mondialisation de l’économie, mais aussi soumis en interne à de fortes tensions entre les différentes catégories qui forment la population active. La crise des retraites, plus récemment le mouvement contre le CPE ont posé crûment la question de la solidarité entre générations, et au-delà entre insiders protégés et outsiders peu protégés.

Toutefois, ce n’est pas à travers une distinction entre outsiders et insiders que Robert Reich interroge la polarisation du salariat, mais en mettant au jour une nouvelle division, qui dans un contexte de mondialisation devient une véritable ligne de fracture. Si la fabrication des produits est de plus en plus internationalisée, il n’en est pas de même des activités qui déboucheront sur de nouvelles productions, comme la recherche-développement, les services financiers et juridiques, la conception de produits nouveaux.

Ces services à très haute valeur ajoutée génèrent des emplois de haut niveau fortement rémunérés, concentrés aujourd’hui dans les grands pays développés, et qui ont vocation demain à se répartir dans un nombre de lieux croissant, mais pas illimité : gageons qu’il y en aura de plu