Marie-France Freynet nous propose à la fois une approche historique, une réflexion théorique, des méthodes d’analyse et d’intervention s’appuyant sur la pratique du travail social mise en œuvre par l’auteur.

Avec une première partie consacrée à l’approche historique, le processus d’exclusion nous est décrit dans son développement : paupérisation, précarité, société duale.

Dès son premier article, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 stipule : « Les distinctions sociales ne peuvent êtres fondées que sur l’utilité sociale ». C’est l’émergence de la classe des utiles, du Tiers Etat. La philosophie des lumières, en affirmant le droit à l’égalité, introduit la question fondamentale du pouvoir politique des pouvoirs. Avec l’échec du Contrat social, le XIXeme siècle est contraint d’inventer de nouveaux modèles de régulation de la société. C’est pour rendre la société gouvernable que le « social » apparaît à cette époque. Le devenir de la société se décide au jour le jour, dans la vie concrète, par la technique du droit social, le travail social (la première Maison sociale est créée en 1896 dans le XIeme arrondissement, un des quartiers les plus pauvres de la capitale et l’Assistance sociale fait son apparition en 1922 en France) et les institutions de l’Etat-Providence.

Mais ce dernier n'a plus aujourd’hui les moyens de gérer le flot grandissant de l’exclusion. De plus, affirme l’auteur, il s’est disqualifié. Sa croissance exponentielle est devenue contre-productive : en prenant en charge, il a induit la dépendance et l’individualisme. L’un de ses instruments privilégiés, le travail social, est lui même en crise et doit se redéfinir.

Cet ouvrage se veut une « contribution à l’étude du sens du travail social pris dans la gestion des rapports entre les exclus et la société ». L’exclusion est le cumul de plusieurs facteurs : ensemble, la précarité des conditions de vie, la faiblesse des liens avec la socialité locale, la distance des institutions.

Pour mieux comprendre cette réalité sociale, l’auteur présente éléments théoriques et concepts opératoires en se confrontant aussi bien à la sociologie qu’à l’anthropologie culturelle, au marxisme qu’au structuralisme et à l’analyse systémique d’une manière accessible, comme les concepts (à titre d’exemple) de reliance et déliance, l’injonction paradoxale, la gestion des doubles contraintes.

Le chapitre « Une culture d’exclusion » présente les rapports à l’argent, au corps, au temps, aux groupes dominants. La précarité des ressources s’accompagne souvent d’une situation relationnelle et culturelle défavorable. Atteinte en profondeur, la personne manifeste alors une pauvre estime de soi, un rapport aux autres marqué par la passivité et la dépendance, le poids d’une domination intériorisée comme inéluctable. Et pourtant, au-delà de la crainte du changement et du projet impossible, fortes sont les capacités de survie, d’auto-organisation économique comme le montrent les exemples présentés.

Dépassant la simple médiation du face à face, l’auteur dans la troisième partie consacrée à l’approche méthodologique développe les trois niveaux d’intervention. Au niveau de la personne, la médiation favorise la restauration de l’identité. A celui de la socialité locale, elle permet l’insertion dans les réseaux de proximité. Et au niveau sociétal, l’intégration à la société organisée.

C’est donc par la proximité que peut se construire une nouvelle dynamique sociale. Le rôle du travailleur social consiste à favoriser pour les exclus l’accès à la parole qui permet de se penser soi-même relié aux autres. Il consiste aussi à ouvrir des espaces de transactions, à mettre en place un co-partenariat pour inventer de nouveaux rapports sociaux. La socialité (ou lien sociétal) n’est pas un simple réseau d’échanges autorégulés. Elle est le produit des idées, des intentions, des valeurs, des rapports de force qui anime le mouvement social.

Autant de propositions et d’outils qui intéresseront tous ceux et celles qui ont fait le choix avec la CFDT du parti-pris de la solidarité.