Le monde de l’entreprise est saisi depuis déjà quelque temps par tout un vocabulaire qui non seulement euphémise le travail, mais cherche à l’enchanter. Il est question d’« expérience collaborateur », de « talents », d’« inclusion », d’« agilité », de « disruption », de « créativité », de « positive attitude », d’« employee advocacy », quand on ne va pas jusqu’à parler de « bienveillance », de « bonheur au travail », de « chief happiness officer » ou autre « great place to work »… Et je n’ai garde d’oublier les « zones de confort » dont il faut sortir ou l’éternelle lutte contre les « silos ». Ce vocabulaire, en forme de sabir, émane du néomanagement et de directions RH à la recherche d’un cadre sémantique souvent paradoxal pour habiller des situations tendues et fluctuantes. On affiche l’initiative, l’autonomie, la responsabilité, voire l’émotion, alors que le réglementaire et le contrôle perdurent dans des univers professionnels où la qualité et le sens du travail sont en net repli. « Il y a un paradoxe autour de la flexibilité vs la rigidité, paradoxe qui n’engendre pas de tensions/conflits, mais plutôt des stratégies de retrait et d’isolement[1]»

Les mots portent, on le sait, des imaginaires déterminant les représentations et les croyances. Les mots témoignent de notre façon d’entrer en relation avec notre environnement et d’agir. Or, que constatons-nous dans le champ du travail, particulièrement en France ? Les récentes réactions à la réforme des retraites tout comme les enquêtes, notamment celles de la Dares en mars 2023[2], mettent en avant un double ressenti. À la fois une difficile conciliation entre les