Cette expérience du domicile comme lieu de travail traduit sans doute une inflexion majeure en la matière qui, cependant, maintient la référence à un lieu crucial pour le travail salarié, l’établissement, à partir duquel se conçoit la distance, voire la distanciation qu’implique le télétravail. Elle suggère en tout cas un regard historique sur les lieux du travail, en revenant sur la figure de l’établissement que l’on est tenté d’associer à l’industrialisation des siècles passés. Il est certain que le développement industriel se manifeste par des installations techniques de grande ampleur, accueillant de nombreux travailleurs. Toutefois, dans la France de la Belle Époque, les établissements industriels demeurent rares, de sorte que le rattachement de nombre de travailleurs à la législation industrielle des années 1890[1] reste problématique. Ainsi des bûcherons, dont le syndicat tente de faire valoir que les chantiers de coupe sont des établissements pour obtenir le bénéfice de la loi sur les accidents du travail[2].

Cela conduit à penser que le rattachement des travailleurs à un établissement – comme lieu distinct de leur domicile – prend une consistance nouvelle avec l’élaboration d’un Code du travail dans la première décennie du 20ème siècle[3]. Ce lieu correspond au lieu du travail et de l’administration du contrat, de la relation de travail. Avant la reconnaissance du contrat de travail qu’introduit ce code, on se trouve dans une situation qui est probablement beaucoup plus complexe pour analyser le lieu du travail pour l’ensemble des acteurs impliqués dans la réalisation de produits. Schématiquement, le cadre de référence qui précède le contrat de travail est le louage d’ouvrage que l’on trouve dans le Code civil à l’article 1710 et aux articles 1779 à 1