Stéphane Beaud est sociologue et enseigne à l’université de Nantes. En 2003, il a publié 80% au bac. Et après ?, une enquête ethnographique menée entre 1991 et 2000 auprès d’un petit groupe de jeunes d’une cité HLM de la région de Sochaux-Montbéliard. A la lecture de ce livre, certains jeunes se sont reconnus dans les parcours retracés et ont écrit à l’auteur. Avec l’un d’entre eux, appelé ici Younes Amrani, ce premier contact va déboucher sur une longue correspondance électronique qui se poursuivra toute l’année 2003 et va donner le sujet de cet ouvrage. A travers le dialogue amical qui se noue entre le sociologue et le jeune homme de 28 ans, on découvre peu à peu une histoire personnelle et familiale, des aspirations qui oscillent entre esprit de révolte et envie de comprendre. Encouragé par Stéphane Beaud, Younes Amrani raconte sa vie, sa famille, son quartier, avec une grande lucidité. Sa trajectoire est typique : parents marocains, père ouvrier non qualifié, mère au foyer, famille nombreuse, vie en cité HLM en voie de dégradation, accès au lycée général, échec à la fac puis tâtonnement sur le marché du travail avant de trouver un emploi-jeune à la bibliothèque municipale d’une ville de la banlieue lyonnaise. Comme de nombreux jeunes dans sa situation, Younes Amrani a fait le choix de la nationalité française à 18 ans, mais comme il le constate : « La France, elle a fait ses plans sans nous. »

Ce témoignage nous éclaire sur les espoirs et les souffrances intimes de certains jeunes issus de l’immigration, sur le sentiment de non-reconnaissance et parfois d’abandon moral qu’ils peuvent éprouver. Pour Stéphane Beaud, ce livre contribue à élaborer une autre vision des jeunes de banlieue qui, dans leur vie quotidienne, vivent le stigmate social d’être d’origine étrangère. « Je n’ai aucune leçon à donner, aucune morale à faire, personne à blâmer. Je veux simplement comprendre, fairecomprendre une chose : comment en est-on arrivé là ? »