Le métier de solo

Le thème du travail indépendant a une longue histoire qui emprunte à la fois à la vieille tradition des métiers et qui s’articule étroitement à la contestation de l’ordre du salariat. Chacun aspire, au fond, à pouvoir se départir de la relation de subordination induite par le contrat de travail. L’utopie marxienne on le sait, rêve la fin du salariat et la venue d’une société où chacun disposera de moyens équivalents à ses besoins. Dans ce contexte, chacun sera libre d’exercer une activité sans contrainte et dont le contenu pourra varier en fonction des humeurs du moment. Celui cependant qui a sans doute le mieux théorisé l’articulation possible entre travail salarié et travail indépendant est Proudhon.

[…] La question qui se pose aujourd’hui est la suivante : le travail indépendant, en particulier pour les professions intellectuelles, a-t-il un avenir ou est-il condamné à rester réservé à un petit nombre ? […] Les entreprises rassemblent de plus en plus des gens de métiers dans leur métier. Cela change naturellement la nature des carrières possibles au sein d’une même organisation et cela conduit naturellement les entreprises à accorder une place croissante à la compétence individuelle des salariés. La question essentielle soulevée par cette approche tient à la reconnaissance et à l’évaluation des compétences. Les outils actuellement mis en œuvre visent plutôt à apprécier la performance du salarié plus qu’à rendre compte de sa compétence. Or la performance dépend sans doute de ses qualités mais également des moyens dont il dispose pour accomplir son travail et d’une organisation dont il n’est pas maître. Par ailleurs, et sauf exception, les critères et les outils d’évaluation ne sont que rarement négociés et la hiérarchie est seule responsable de l’évaluation du salarié. Enfin, la compétence est contingente à une situation de travail. Le contexte de l’activité en détermi