Cet ouvrage qui retrace le conflit des routiers en novembre 1996 est l'œuvre de plusieurs auteurs.

Dans la première partie Valérie Devillechabrolle, journaliste spécialiste des questions sociales (Le Monde, Alternatives économiques...), nous fait revivre le conflit de l'intérieur, des premiers barrages à la signature des accords. Une grande place est donnée aux militants engagés dans l'action. La présentation chronologique des événements, malgré une impression parfois un peu confuse et de redite, nous permet de mieux comprendre comment ce conflit a été vécu au quotidien par les chauffeurs routiers. Elle nous montre les difficultés d'organisation matérielle, de gestion psychologique délicate avec les médias, des pourparlers avec les routiers non grévistes, la lassitude au bout de douze jours de conflit ; mais aussi l'émergence d'une nouvelle génération de militants dans une profession rétive au fait syndical, le soutien de la population, la fierté d'avoir su gérer un rapport de forces dans la durée.

La deuxième partie écrite par Patrick Hamelin, directeur de recherche à l'INRETS, nous apporte des éléments d'analyse sur l'origine du conflit. Après avoir rappelé rapidement les origines et les différences fondamentales entre les trois conflits de 84, 92 et 96, l'auteur explique ce qu'ont en commun, les trois « occasions hétérogènes de déclenchement des barrages », en particulier des durées de travail très élevées dues à « une propriété structurelle de l'organisation de la production des transports et des rapports socio-économiques qui la sous-tendent ».

Ce chapitre très technique apporte beaucoup d'informations sur les salaires moyens, la durée du travail et son évolution (en augmentation), les législations européennes et leur interprétation en France. En conclusion l'auteur met en évidence la contradiction entre le droit du travail et la réglementation européenne de sécurité.

Le chapitre suivant de Georges Ribeill, directeur de recherche à l'ENPC, historien et sociologue du monde des transports, esquisse l'histoire sociale des routiers de l'entre-deux-guerres « Les camions de la victoire », puis des « Trente glorieuses » « Les camions de la fortune » pour terminer par les années de crise.

Antoine Artous et Patrick Salini abordent ensuite les problèmes économiques.

A chaque crise « les rouages de l'économie des transports sont en cause : formation et niveau de prix, concurrence, sous-traitance sont au cœur des discussions ». Après quelques remarques sur l'évolution comparée du rail et de la route, les auteurs décrivent la modernisation, la concentration et le processus d'industrialisation du secteur ainsi que les grands métiers du transport routier.

L'ouvrage se termine par le point de vue des syndicalistes avec les propos recueillis par Claude Debons (CFDT) lors d'une table ronde qui réunit trois responsables syndicaux nationaux : Michel Caillaud (FNCR), Jean-Pierre Prou (CGT) et Joël Le Coq (CFDT).

Ensuite Joël Le Coq tire les enseignements des grands conflits, en montre les acquis et leurs problèmes d'application.

Claude Debons conclut sur les problèmes de régulation économique et la place accrue du levier social pour l'harmonisation des conditions de concurrence.