Combien y a-t-il de chômeurs en France ? Et surtout comment leur nombre évolue-t-il ? ce ne sont pas seulement des questions techniques mais aussi des questions politiques. « La statistique mensuelle du chômage, qu’on le veuille ou non, joue un rôle central dans le débat social français. Pourtant, la fiabilité et la signification des indicateurs chiffrés du chômage sont loin de faire l’unanimité », écrit CERC-Association. L’association Connaissance de l’emploi, des revenus et des coûts (CERC-Association) a été créée, rappelons-le, par les anciens chercheurs du CERC lorsque cet organisme de recherche fut supprimé par le gouvernement Balladur pour cause d’esprit un peu trop libre. Elle publie aujourd’hui un dossier intitulé « Chiffrer le chômage, des enjeux de société » .

Au delà des différences entre les statistiques de l’ANPE, en particulier de la fameuse « catégorie 1 » sur laquelle se focalisent les regards, et les mesures « au sens du B.I.T.», les auteurs notent qu’il convient de travailler sur une définition large, intégrant les travailleurs découragés (les chômeurs qui ne se déclarent plus et n’ont plus l’espoir de retrouver quoi que ce soit) et le sous-emploi. Mais la comparaison entre la statistique administrative de l’ANPE et celle du chômage au sens du B.I.T. montre des évolutions divergentes à moyen terme « ce qui confirme l’idée qu’un indicateur unique est insuffisant pour décrire de façon pertinente l’ensemble des situations d’emploi ou de défaut d’emploi ». Les statistiques mensuelles de l’ANPE étant très sensibles au décisions politiques (pas seulement le « traitement statistique du chômage » mais aussi les campagnes massives sur des populations ciblées), CERC-Association souligne que la « politisation » des statistiques crée une situation malsaine et appelle à la conception d’« un système articulé d’indicateurs conjoncturels dont la production soit, autant que possible, à l’abri des pressions politiques de court terme » et à la publication d’une batterie d’indicateurs statistiques des « personnes privées d’emploi », dépassant l’alternative chômeur/non chômeur.

Une première estimation de l’évolution du nombre des « personnes privées d’emploi » (hors travailleurs découragés) se présente ainsi :

Il ne faut pas en conclure, les chercheurs de CERC-Association insistent sur ce point, que le « vrai » chiffre du chômage est celui de cinq millions car « il n’y a pas de « vérité » unique en la matière » mais que la société française a besoin d’une batterie d’indicateurs lisibles et fiables « qui puisse permettre au débat social de se poursuivre sur des bases plus saines et mieux informées ». Chiffrer le chômage : chiffre unique, chiffre inique.