«Associer le plus grand nombre à la perspective de la réduction du temps de travail», tel, le définit Nicole Notat, est le sens de l’action menée par la CFDT et la logique de cet ouvrage. En disant cela dès l’introduction, le décor est campé, cet ouvrage veut être un écrit concret au service de tous, tiré des années de pratiques de la CFDT sur cet objectif, pour «permettre à chacun de construire son propre jugement» et, espère-t-on, d’infléchir l’avenir.

Question d’emploi en priorité, question d’amélioration des conditions de travail et de vie par des horaires moins lourds également, question de société par des possibilités nouvelles de participation et d’organisation d’activités sociales, culturelles, citoyennes, sportives..., la RTT balaie pour la CFDT l’ensemble de ces champs. Et si donc la question est complexe, si donc une loi ne peut décréter à elle seule un changement sans un relais par des acteurs déterminés à avancer, ce livre, sans éluder les difficultés qui émaillent le chemin, veut montrer comment la RTT peut être possible, intéressante pour les chômeurs et les jeunes en difficultés d’entrée dans la vie active, également pour les salariés et l’équilibre de leur vie, tout en permettant de créer, dans les entreprises, de nouvelles dynamiques dont elles puissent tirer parti.

Pour cela, le livre donne le contenu des deux lois incitatives pour la RTT (de Robien d’abord, Aubry maintenant), les chiffres du bilan emplois de la loi de Robien et des coûts réels, de nombreux exemples précis - y compris étrangers - des réductions réalisées, des conditions favorables à la réussite, des modalités négociées dans cette optique sur les rythmes et horaires de travail des salariés, les durées d’ouverture d’entreprises et d’utilisation des équipements, les réorganisations des tâches et des services et les modernisations qu’elles ont permises, la qualité des emplois créés et les compétences nouvelles organisées... Il montre le rôle capital de « la négociation, un moment clé » pour que les intérêts, qui peuvent être sensiblement divergents en début de négociation, puissent finalement trouver leur point d'accord.

Aujourd’hui, «seule l’audace est réaliste», c’est vers l’audace que ce livre cherche à nous entraîner. Sans oublier d’ailleurs que la RTT n’est pas seulement une idée mais déjà une longue histoire réalisée : on a su la faire tout au long de notre histoire industrielle, et on ne le pourrait plus, ce ne serait plus qu’une visée idéologique menaçante pour l’économie ?

Le chapitre 7 illustre bien cette vision en l'appliquant aux cadres : «les cadres en première ligne». Les résistances patronales sont fortes à la RTT des cadres, une citation du président du CNPF le rappelle d'entrée : «les 35 heures appliquées aux cadres ne peuvent avoir droit de cité dans une économie qui prétend être moderne». Voilà qui est radical ! Cette partie de l'ouvrage part des réalités du travail des cadres qui font croire impossible la réduction de leur travail mais montre, à l'aide de comparaisons internationales, en se penchant sur l'évolution des mentalités et des attentes, en recherchant les formes crédibles d'une réduction, comment on peut dépasser ce premier barrage fait d'intérêts patronaux et de comportements culturels. La question véritable est traitée : comment revoir, repartager autrement les tâches et fonctions actuellement assumées par les cadres ? Délégation de responsabilités, temps pour le renouvellement des connaissances... en même temps que les modalités opératoires de réduction et d'aménagement du temps de travail, proposées d'ailleurs par l'UCC depuis plusieurs années. Ce sont celles que l'on trouve réellement, mises en action dans bon nombre d'accords depuis deux ans. C'est donc possible, c'est ce que montre ce chapitre, tout en reconnaissant que cela sera un des points durs des négociations actuelles et prochaines, mais en insistant sur l'importance, pour l'emploi, pour les cadres eux-mêmes et pour les entreprises, d'y arriver.