Racontez-nous vos premiers pas dans la vie professionnelle…

A l’issue d’un DESS « Industries du tourisme, option bureau d’études », j’ai trouvé mon premier emploi dans un cabinet d’ingénierie touristique et culturelle. J’ai d’abord été embauchée comme stagiaire pendant six mois dans ce cabinet puis ce stage s’est transformé en CDI. C’était en octobre 2000.

J’étais alors consultante junior et j’ai notamment participé à la création d’une « Route de la Châtaigne » dans les Cévennes. J’ai assez rapidement évolué dans cette petite entreprise : je me suis ainsi occupée de la trésorerie, de la transmission des variables de paie à l’expert comptable, du recrutement des stagiaires et du planning du directeur.

Cette partie administrative s’est révélée être pour moi un domaine d’activité véritablement épanouissant. Pour cette raison, dès la deuxième année, je me suis inscrite en DESS Administration des Entreprises de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris, en cours du soir, sur deux ans.

La société dans laquelle je travaillais n’allait pas très bien. Elle s’est assez rapidement retrouvée en redressement judiciaire. Finalement, j’ai été au chômage sept mois, ce qui pour moi s’est révélé bénéfique car j’ai pu terminer mon second DESS tout en percevant les Assedic.

Je voulais profiter de ma connaissance du monde touristique tout en cherchant à travailler dans les ressources humaines.

Et je me suis vite aperçue que les grands hôtels parisiens permettaient de croiser les deux métiers. Pour affiner ce que j’avais envie de faire, j’ai profité de la rédaction de mon mémoire pour rencontrer une douzaine de directeurs des ressources humaines.

C’est d’ailleurs cette démarche qui m’a finalement permis d’être embauchée au service ressources humaines de l’hôtel Meurice, un palace parisien qui emploie 400 personnes. J’ai d’abord travaillé trois ans comme assistante, puis deux ans comme responsable paie, à la suite d’un remaniement de l’équipe de direction. C’est à ce moment là que je suis devenue cadre.

Concrètement, qu’est-ce qui a changé pour vous lorsque vous êtes devenue cadre ?

D’abord, mon salaire, qui a fait un bond de plus de 400 euros.

Ensuite, les responsabilités. Avoir la responsabilité de la paie, c’est entre autres s’assurer que les salaires sont bien versés en temps et en heure, aux bons destinataires et que les charges salariales et patronales sont bien versées aux organismes destinataires (URSSAF, Pôle Emploi, caisses de retraite, caisses de prévoyance…). Dans une entreprise, la paie est un sujet très sensible…

L’autre changement, c’est que j’avais désormais un assistant pour m’aider dans mes missions. Avant, je ne gérais que des stagiaires.

Pendant des années, j’ai eu des horaires extensibles : parfois jusqu’à douze heures par jour car j’avais beaucoup à apprendre (et c’est toujours le cas).

En période de paie, c’est-à-dire une semaine par mois, je pouvais quitter le bureau après 21h30. Aujourd’hui, je maîtrise mieux mon travail et j’ai décidé depuis le début de l’année de terminer désormais mes journées vers 18h30. Mon travail est fait et je l’espère, bien fait, et j’ai enfin du temps à consacrer à ma vie privée. Pour autant, cette décision n’est pas toujours simple à assumer. Le cadre est considéré, dans l’esprit collectif, comme entièrement dévoué à l’entreprise et peut-être corvéable à merci. Et je ressens parfois un peu de culpabilité quand je ne travaille que huit heures trente par jour…

Revenons à votre parcours, vous quittez l’hôtel Meurice au bout de cinq ans...

Oui, en partie parce que je n’avais pas de très bonnes relations avec mon supérieur hiérarchique, mais surtout parce que j’avais envie de voir autre chose et de prendre plus de responsabilités. En restant dans cet hôtel, j’étais en quelque sorte bloquée, je ne pouvais pas attendre de promotion.

Je suis donc entrée dans le groupe Concorde Hotels and Resorts en décembre 2008. C’est un groupe hôtelier qui comprend dix établissements de luxe : Le Grand Véfour (deux étoiles au Guide Michelin) l’hôtel Crillon, et d’autres hôtels quatre étoiles comme le Martinez à Cannes.

Depuis maintenant un an et demi, j’occupe le poste de coordinatrice paie. Je travaille au service centralisé de paie dans une équipe de sept personnes. Nous gérons environ 2 500 bulletins de salaire par mois.

Concrètement, je gère la paie du siège pour avoir un contact direct avec le cœur du métier mais surtout je coordonne l’ensemble du processus de paie selon un calendrier extrêmement précis. Je rédige les procédures destinées à l’équipe paie et à nos interlocuteurs que sont les gestionnaires ressources humaines. Je prépare les dossiers paie annuels : l’intéressement, la participation, le treizième mois ou encore la bascule des congés payés. Je n’ai pas de lien hiérarchique avec l’équipe, je suis plutôt là pour l’accompagner dans son travail.

Je ne suis pas sûre de rester encore forcément longtemps dans ce poste. J’imagine que dans deux ans, j’aurai envie de partir quand le quotidien et la routine auront pris le pas sur le reste. Mon envie profonde aujourd’hui, c’est de devenir, à terme, formatrice. Mais pour cela, il faut acquérir un fonds d’expertise suffisant, et je n’en suis pas encore là. J’aimerais plus tard travailler à mon compte et ne plus avoir de lien hiérarchique.

Quels sont les principaux décalages que vous avez observés entre votre vision du monde du travail et sa réalité ? Avez-vous été confrontée à des différences générationnelles importantes, face aux nouvelles technologies notamment ?

En entrant dans la vie active, je pensais trouver en tous mes supérieurs hiérarchiques, non pas des mentors mais des exemples, des modèles de professionnalisme et de management.

J’ai parfois été très déçue… Certains d’entre eux travaillaient moins que moi. Ils étaient moins impliqués, faisaient moins d’horaires. Par exemple, une de mes chefs de service passait des heures au téléphone avec ses amis et ne m’a jamais proposé son aide alors que je croulais sous le boulot. J’ai ainsi dû paramétrer le nouveau logiciel de paie seule alors que je venais de prendre mon poste et que je n’avais pas encore eu la formation requise. J’ai vécu cette période comme une vraie injustice.

A part ces difficultés, je n’ai pas vraiment observé de décalages profonds entre ce à quoi j’aspirais et la réalité du travail en entreprise.

Et en ce qui concerne le rapport aux nouvelles technologies, je n’ai pas vu de différences générationnelles. Je travaille avec des personnes qui ont plus de 50 ans voire même plus de 60 ans et qui les maîtrisent parfaitement.

Elles m’apportent beaucoup, elles me transmettent leur expérience et leur savoir-faire, et c’est vraiment précieux.