L’autonomie, qui est la faculté d’agir librement, est l’un des piliers sur lesquels la CFDT s’appuie pour tracer les contours de la fonction cadre, avec l’exercice de la responsabilité, l’implication organisationnelle, le travail de management, le niveau de connaissances ou encore l’expertise.

L’autonomie est un droit pour l’individu de déterminer librement les règles auxquelles il se soumet. Elle est limitée de fait et en droit, dans l’entreprise par le lien de subordination du contrat de travail, dans la fonction publique par la situation statutaire et réglementaire du fonctionnaire. Elle l’est aussi par l’organisation du travail, les processus de production, les fonctions exercées, les objectifs assignés. Elle se combine souvent avec l’initiative pour définir une capacité d’action, une capacité de proposer et de mettre en œuvre une solution face à un problème posé sans attendre l’intervention d’un tiers. Elle est à l’origine de l’écart entre le travail prescrit et le travail réel1.

Les cadres déclarent disposer globalement d’une autonomie fonctionnelle pour gérer leur temps et organiser leur travail au quotidien. Ceci vaut pour beaucoup de salariés : 81 % ont la possibilité d’organiser leur travail, 78 % n’ont jamais ou parfois des tâches imposées, 77 % ont un travail qui leur permet d’apprendre des choses nouvelles2. Autonomes, donc, mais sans pour autant pouvoir peser sur les stratégies qu’ils doivent mettre en œuvre, avec parfois des dilemmes ou des manques de moyens. Jusqu’où ont-ils la maîtrise des procédures ? Jusqu’où leur jugement sur la qualité de ce qui est produit est-il pris en compte ? De quelles marges de manœuvre ont-ils dans leur parcours ?

L’entreprise dite « libérée » questionne la gabegie gestionnaire et entend simplifier les relations humaines. Mais que lâche-t-elle sur le lien hiérarchique et sur l’organisation du travail ? Octroyant de la liberté quotidienne et de l’autonomie fonctionnelle, favorise-t-elle le dialogue professionnel, le management quotidien, la confrontation des logiques ? S’engage-t-elle dans le devenir professionnel de ses salariés ?

Parce que le travail immatériel est difficile à valoriser, parce que la gestion de l’activité impose presque partout des résultats chiffrés, parce que l’épaisseur humaine et la créativité au travail pèsent encore trop peu3, parce que le discours public réduit fréquemment le travail à sa temporalité (la disponibilité du salarié, donc) ou à son coût, il émerge aujourd’hui une demande sociale : celle d’un travail levier d’accomplissement personnel. Au-delà des tâches de tous les jours, se forger une identité professionnelle malgré la prescription du poste, la rationalité du jugement sur l’activité et la pression du marché de l’emploi.

L’individu se construit par son rapport aux autres et à son environnement. L’autonomie est à la fois la reconnaissance de l’implication et les moyens donnés pour s’impliquer. Le travailleur ne doit donc pas être seul mais porté dans un collectif. « Sans organisation de la coopération, qui est la base du management, pas d’autonomie professionnelle : la montée en autonomie est une entreprise de construction d’appuis » décrivait Jean-Paul Bouchet dans un précédent numéro4. L’autonomie n’est pas une indépendance accordée sans appuis ni autoproclamée, au risque d’en rester à la servitude ou à la solitude : elle s’éprouve et s’exerce dans la coopération.

1 : Cf. les travaux de la CFDT Cadres dès 2001 adoptés au 11ème congrès, Amiens.

2 : Dares, « Autonomie des salariés », Synthèse Stats n°16, oct. 2015.

3 : L’expérience intime et subtile du travail décrite par Laurent Quintreau dans Le Moi au pays du travail, Plein jour, 2015.

4 : « Les conditions de l’autonomie professionnelle. Renforcer les appuis face aux nouvelles formes d’activité », in revue Cadres CFDT n°467, décembre 2015.