À la création d’un régime universel de retraite à la Libération, le choix est fait d’instituer un plafond de cotisation. Les partenaires sociaux négocient alors un régime de retraite complémentaire par répartition pour les ingénieurs et les cadres, et reposant pour la première fois sur un système de points. La création de l’Association générale des institutions de retraite des cadres (Agirc) se cale sur la classification des emplois et des salaires établis à l’époque. Les célèbres arrêtés Parodi de 1945 créent un système fondé sur une dénomination et une hiérarchisation des postes qui permet de donner un cadre général aux grilles de classification instituées par les branches professionnelles.

La convention de l’Agirc du 14 mars 1947 de retraites et de prévoyance établit les catégories de salariés qui doivent y être affiliées. Ce sont les ingénieurs et cadres définis par la grille Parodi ainsi que les représentants de commerce travaillant pour un ou plusieurs employeurs mais bénéficiant des mêmes avantages que les salariés. On intègre donc les VRP (voyageur, représentant et placier) dont la formation et les fonctions sont équivalentes à celles des cadres, notamment la délégation de pouvoir et « des fonctions impliquant initiative, responsabilité » (article 4). L’Agirc est ouverte également aux employés, techniciens et agents de maîtrise qui ont une cote hiérarchique de salaire élevée (article 4 bis). À la notion de cadres et ingénieurs s’ajoute ainsi celle d’« assimilés ». Elle est même étendue à d’autres professions à titre temporaire (article 36). Ce sont les classifications de branches qui déterminent les emplois cités dans ces articles.Avec la fusion des retraites complémentaires (accords nationaux interprofessionnels du 30 octobre 2015 et du 17 novembre 2017), la distinction entre cadre et non-cadre n’existe plus au niveau des cotisations de retraite. Il n’y a plus de points Arrco d’un côté et Agirc de l’autre, mais uniquement des points Agirc-Arrco. La différence de points ne dépend plus du statut de cadre ou de non-cadre, mais du seul niveau de rémunération.

L’Ani du 17 novembre 2017 sur la prévoyance des cadres a donc repris les critères des articles 4 et 4 bis dans les articles 2.1 et 2.2 de la nouvelle convention, et ouvert une négociation pour définir les principaux éléments qui permettent de caractériser l’encadrement (notamment technique et managérial). À noter que ce sont ces mêmes salariés (cadres et assimilés) et les employeurs qui financent par une cotisation obligatoire les missions de service public de l’Association pour l’emploi des cadres (Apec).

Sous l’impulsion de la CFDT, l’accord du 28 février 2020 consacre une approche précise des fonctions professionnelles pour reconnaître les responsabilités de ces salariés à part entière, mais pas tout à fait comme les autres[1]. Aux termes de l’accord, le cadre est un salarié qui occupe un poste de travail et qui présente les caractéristiques suivantes :

 Il nécessite une aptitude à des fonctions à caractère intellectuel prédominant, comportant l’application à un haut degré des facultés de jugement résultant de connaissances, savoirs et savoir-faire théoriques, techniques ou professionnels constatés soit par un diplôme ou une certification d’enseignement supérieur, soit à travers une expérience reconnue ;

 Il implique des fonctions conditionnant ou induisant la réflexion et/ou l’action d’autres salariés et, par là-même, influant significativement dans les domaines économiques, sociaux, sociétaux et/ou environnementaux ;

 Il confère à son titulaire une marge suffisante d’initiative et/ou d’autonomie dont l’amplitude dépend des responsabilités et/ou de la délégation de pouvoir qui lui sont confiées ;

 Il confère à son titulaire une responsabilité effective contribuant à la marche et au développement de l’entreprise soit d’animation, de coordination ou d’encadrement d’un groupe plus ou moins important de salariés, soit d’études, de recherches, de conception ou d’autres activités.

Cette définition est univoque et chaque branche peut établir ses propres critères. La définition du cadre est bien une construction à partir de critères fonctionnels, que précisent les conventions collectives et les classifications par emplois.

[1]- Cf. « La CFDT s’engage pour une vision moderne de l’encadrement », déclaration de Marylise Léon, secrétaire générale adjointe CFDT et Laurent Mahieu, secrétaire général CFDT Cadres, 14 mars 2020.