En complément au « Que sais-je ? » de Jean-Pascal Gond et Jacques Igalens, ce numéro spécial d’Alternatives économiques interroge les pratiques et les motivations des entreprises françaises en matière de RSE, en proposant de très intéressantes analyses sectorielles.

Dans l’ensemble, si les grandes entreprises françaises ont progressivement accepté l’idée qu’elles ne devaient pas seulement des comptes à leurs actionnaires et se sont mises en effet à publier des rapports sociaux et environnementaux, les effets de communication l’emportent encore sur la réalité de l‘action. Les analyses sectorielles le montrent directement : à où des actions ont été entreprises et où les pratiques ont évolué, un intérêt économique est directement en jeu ; que cet intérêt réside dans l’évolution de la demande et des modes de consommation, des technologies, ou de l’offre de travail.

Les auteurs réunis par Alternatives économiques développent une vision de la RSE insistant sur l’insertion dans le territoire (considéré à différentes échelles mais en privilégiant manifestement l’échelon national), avec comme horizons d’irresponsabilité l’évasion fiscale et les paradis fiscaux, d’une part, les délocalisations d’autre part, et enfin les revenus des dirigeants. On regrettera les limites de cette représentation, qui insiste sur les aspects les plus spectaculaires mais certainement pas les plus structurants économiquement. Se pose ainsi la question de ce que peut être la RSE : une politique de la bonne volonté, ou une évolution profonde des modes de décision intégrant, selon des modalités variables, les parties prenantes ? Les limites de la bonne volonté étant vite trouvées dans le champ de l’économie, la voie à suivre est une plus grande implication des différents acteurs. Celle-ci ne viendra pas seulement d’une évolution morale des dirigeants – on peut rêver ! – ni d’un resserrement des règles – même la crise n’a rien fait surgir de nouveau sur ce plan, c’est dire. La vérité est plus brutale : les entreprises ont tendance, depuis trente ans et ce mouvement n’est pas près de s‘inverser, à s’émanciper des territoires et de tout ce qui ne coïncide pas avec leur intérêt. Dans ces conditions, on ne voit guère comment les autres acteurs peuvent entrer dans le jeu sans mobiliser des intérêts. Le grand défi est là aujourd’hui : il ne s’agit pas d’attendre que les entreprises, touchées par la grâce, reconnaissent leur responsabilité sociale. Il s’agit de trouver les moyens d’entrer dans le jeu. Sur ce point tout reste à faire.