L’empreinte environnementale des entreprises et de leurs activités sur l’environnement naturel est une réalité qui s’impose dans tous les secteurs. La multiplication des externalités négatives et des coûts ignorés et laissés à la charge de la société est une réalité en constante augmentation. L’entreprise vit à crédit aux dépens de la nature et du vivant : pollution de l’air, utilisation des ressources naturelles, déchets, et bien d’autres sans parler de la neutralité carbone. Ne rien faire serait criminel. La prise de conscience est générale.

Cette urgence écologique et sociale est au cœur des préoccupations des salariés, désormais en recherche de sens au-delà d’un emploi. Mieux, elle participe à relégitimer la responsabilité sociale (RSE) dont on avait fini par douter, vingt ou trente ans après les premières contraintes et régulations qui s’imposaient à l’entreprise, mais n’ayant pas permis de véritables changements. A force de communication, de greenwashing, de complexité d’en cerner le périmètre  – social ou sociétal – la RSE est restée surtout un sujet flou, contenu au sein des comités de direction, et autres instances de direction et de gouvernance.

Le développement doit être réellement durable. Fini donc le déclaratif permettant de séduire le consommateur ou simplement d’afficher être dans la norme. Chacun est concerné, puisque chacun est acteur, travailleur, acheteur, décideur, voire victime aussi. Désormais la RSE n’est plus l’apanage d’un top management éloigné des lieux de décisions au quotidien, des risques professionnels, des dilemmes des managers, des préoccupations des salariés. Certes, ce trait est quelque peu caricatural. Mais force est de constater qu’aujourd’hui, la finitude des ressources, l’épuisement de grands écosystèmes, le réchauffement climatique mais aussi la crise sanitaire actuelle questionnent l’activité humaine et la dynamique de progrès environnemental. La finalité du productivisme est remise en cause. La transformation de l’entreprise est en route et doit se faire le plus rapidement possible.

Les bases sont tout juste posées. L’entreprise n’est désormais plus au seul service de la rémunération de l’actionnaire. Qu’elle se transforme en entreprise de l’économie sociale et solidaire (ESS) ou simplement  au travers de sa « raison d’être », elle remet en question ses activités et son modèle d’affaires. La loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, a joué un rôle fondamental en posant une entreprise qui au travers de sa raison d’être, se questionne sur son rôle et son impact social et environnemental au sein de la société. Bien sur, cette raison d’être ne devra pas rester quelques mots ou slogans au seul service d’une amélioration des ventes. Il va falloir aller plus loin. Les dirigeants sont des acteurs essentiels de cette transformation et, faute d’être initiateurs, ils sont rattrapés par une société et des parties prenantes aux exigences accrues. La vision stratégique long-terme induite est un gage de survie et de pérennité de l’entreprise et même d’efficacité, si et seulement si les raisons d’être sont suivies d’actions de transformation. Il appartiendra aux dirigeants et aux instances de gouvernance d’associer les parties prenantes et en particulier celle des salariés pour construire cette entreprise de demain respectueuse des hommes et de la nature.

Le développement durable s’inscrit comme un véritable levier de l’action syndicale, il doit irriguer et nourrir de plus en plus largement le dialogue social et les travaux de toutes les instances. Les normes comptables qui sont assises sur la seule performance financière devront évoluer pour que l’entreprise puisse rendre compte de ses performances sociales et environnementales. Les travaux et expérimentations permettent d’espérer des changements fondamentaux à venir. Surmonter les crises qui se succèdent passera par une transition numérique désormais régulée et qui reste au service de l’humain. 

Ce numéro entend souligner les enjeux et retracer les lignes de progrès tout en replaçant l’action syndicale au cœur de ces débats sur l’impact environnemental et social. C’est un enjeu particulier de gouvernance de l’entreprise et de management. Nous militants, sommes positionnés pour faire se rejoindre la demande sociale et l’engagement dans les instances y compris de pilotage, acteurs et vecteurs de l’accélération du changement des entreprises.

Certes, nos capacités d’actions restent limitées et les outils a affiner voire à construire. Mais, quelle meilleure place que celle du conseil d’administration d’une entreprise pour agir pour qu’il ne soit pas une simple chambre d’enregistrement ? A l’image de notre poids grandissant dans ces conseils d’administration, de nos préoccupations exprimées dans les instances de dialogue social, de nos choix en matière d’œuvres sociales et culturelles même, dans l’écoute et la sensibilisation des adhérents et sympathisants, nous avons pris un chemin sans retour, exigeant en qu’il nous permet d’influencer jusqu’à la finalité même de l’entreprise.

Comme le rappelle la CFDT au travers de ce dossier, le débat sur l’impact environnemental et social de l’entreprise devient prépondérant, la législation offre des leviers d’action pour les représentants des salariés et traduit une nécessaire évolution du rôle et de la performance de l’entreprise. C’est l’un des acquis de la RSE : aucune organisation productive ne peut désormais afficher sa valeur à l’aune seule de sa performance financière et  sa raison d’être la reconnecte avec les attentes de la société. C’est une nouvelle finalité syndicale que d’intégrer et d’agir pour que cette transformation s’inscrive dans des objectifs et actions à long terme, une transformation à laquelle aucune entreprise ou organisation n’échappe, un gage essentiel de la capacité à vivre ensemble.