L’ergonomie, en tant que science de l’activité humaine au travail, interroge très tôt la question du temps de travail, en réaction notamment aux travaux sur l’organisation scientifique du travail. Taylor (1911) utilise alors le temps pour évaluer rigoureusement la productivité et ce faisant met à profit cet indicateur pour prescrire le travail à réaliser. Influencé par les principes du taylorisme, Gilbreth (Jardillier, 1965) a commencé à appliquer des techniques d’analyse des mouvements pour améliorer l’efficacité des tâches. Il a étudié chaque geste et chaque mouvement sur les chantiers de construction pour identifier les meilleures façons de réaliser une tâche. Cette approche a jeté les bases de la méthode MTM (Methods-Time Measurement), qui a évolué au fil des décennies, devenant un outil important pour l’analyse des méthodes de travail et la planification des ressources. Elle a influencé les domaines de l’ingénierie industrielle avec comme finalité d’optimiser et de réduire les mouvements et comme conséquence la réduction des temps. Ce bref rappel historique souligne l’enjeu lié à la prise en compte du temps pour comprendre le travail humain et contribuer à l’amélioration de ses conditions de réalisation, dans un premier temps au bénéfice de l’efficience productive. L’ergonomie, quelques années plus tard, introduira les enjeux de préservation et développement de la santé. D’ailleurs, c’est dans l’articulation de ces objectifs – efficacité et santé – que l’ergonomie de l’activité a révélé son approche et sa mobilisation au profit du travail humain. Le travail humain est intrinsèquement lié au temps ; celui qu’il requiert, celui qu’il occupe, mais aussi celui qu’il retire, et enfin celui dont l’issue est programmée, quelles que soient la volonté et l’échéance, trop tard pour les uns ou trop tôt pour d’autres.

Le temps c’est de l’argent !

En France, la délimitation des temps d’activité – opposés aux périodes d’inactivité – ainsi que le comptage précis du temps de travail débutent avec l’histoire du salariat au Moyen Âge (Castel, 1995). Mais, c’est lors de la Première Guerre mondiale, avec la généralisation du contrat de travail, qu’est déterminée une forme spécifique de rémunération comportant, notamment, un salaire de base pour un temps de travail donné. Ce contrat s’accompagne de la reconnaissance progressive de la subordination du salarié à l’employeur ; subordination technique dans un premier temps, puis économique et enfin juridique à partir de 1931. Consécutivement, cette formalisation de la relation d’emploi va réglementer les trois unités essentielles pour décrire le travail (Fayol, 1918) à savoir l’unité de lieu, qui indique que des activités similaires ou connexes doivent être regroupées dans un même endroit afin de faciliter leur coordination et supervision ; l’unité d’action définissant pour chaque travailleur une seule responsabilité ; et enfin l’unité de temps qui rassemble des activités ayant le même objectif dans une période temporelle déterminée pour assurer une gestion efficace et éviter les retards inutiles. L’idée sous-jacente à ces trois unités est d’optimiser l’efficacité organisationnelle par une prescription du travail qui minimise la confusion, facilite la coordination et garantit que toutes les actions contribuent de manière cohérente aux objectifs de l’entreprise. Ces fondements du « management du temps de travail » rendent compte d’une idéologie orientée vers la recherche du profit – économique – mais surtout de sa maximisation. Or, cette relation temporelle, institutionnalisée et réglementée, traverse tous les débats observés au cours des dernières décennies.

La réduction du temps et l’augmentation du travail

Depuis 1950, la durée annuelle du travail salarié a diminué d’un peu plus d’un quart en France pour s’établir depuis le début des années 2000 aux environs de 1 400 heures pour les salariés et un peu moins de 1 500 heures pour l’ensemble des actifs. Dans la plupart des nations industrialisées, la diminution de la durée du travail a eu lieu principalement entre le milieu des années 1960 et le milieu des années 1980. Conformément aux analyses de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), cette tendance trouve son explication dans le processus de salarisation du marché du travail ; chez les travailleurs indépendants, les horaires de travail sont généralement plus étendus. Parallèlement, les réductions collectives du temps de travail ont également contribué à cette dynamique, et à compter des années 1980-1990, le développement du travail à temps partiel a émergé en tant que facteur prépondérant dans cette transformation structurelle. Au tournant des années 2000, des lois vont réduire significativement la durée collective hebdomadaire de 39 à 35 heures. Mais, par la suite, une série de réformes va encourager le recours aux heures supplémentaires et favoriser une légère remontée de la durée du travail salarié durant quelques années. Ainsi, la durée, hebdomadaire ou annuelle, du travail en France a cessé de diminuer depuis 2002 et est restée relativement stable au cours des années récentes. Jusqu’en 2019, la durée annuelle effective s’est établie, en moyenne, à 1 520 heures avec une durée habituelle hebdomadaire qui approche 36 heures. Puis, en 2020, le recours massif au chômage partiel, pour faire face à la crise sanitaire, fait chuter la durée annuelle à 1 447 heures qui reviendra à son niveau de 2019 en 2022.

En synthèse, ce mouvement général se caractérise par une recherche constante d’équilibre entre les besoins de mobilisation du travail humain pour produire des richesses et de l’autre les besoins exprimés par chacun pour vivre et mener à bien l’ensemble des activités humaines au et hors du travail. Cette difficile conciliation des besoins peut être considérée comme à l’origine du phénomène d’intensification du travail. Ce procédé consiste à définir une modalité d’organisation du travail où l’atteinte des objectifs repose sur des « formes de réactivité, de flexibilité, de diversification de la production ou une mise en place d’effectifs calculés au plus juste » (Etienne, 2021). Comme l’explique cet auteur, « la demande à satisfaire immédiatement, la dépendance vis-à-vis des collègues, des normes ou des délais sont devenues des caractéristiques dominantes du travail actuel. Elles se traduisent dans l’activité des travailleurs par l’obligation de réguler des temps multiples : celui des clients, celui des produits, celui des collègues, qui ne relèvent ni des mêmes rythmes, ni des mêmes exigences. Cet enchevêtrement de temps multiples est la réponse en termes d’organisation du travail aux exigences du marché ».

Or, ces « nouvelles conditions » du travail sont préjudiciables à la santé comme l’atteste la croissance des « pathologies de surcharge » telles que les troubles musculosquelettiques ou psychosociaux avec, désormais, une diffusion dans le langage courant du burn-out dont tout un chacun peut être affecté. Cette appropriation publique rend assez bien compte d’un dépassement du travail à réaliser au regard du temps imparti, avec des débordements observés que ce soit par l’extension des horaires et le développement de nouvelles formes de travail dissimulées, tard le soir ou pendant le week-end. Cette intensification prend alors la forme d’une densification du temps – qui débouche pour les travailleurs sur un sentiment de pression permanente – combinant des contraintes temporelles de différentes natures et le souci des gestionnaires d’occuper le temps au maximum. Gaudart et Volkoff (2022) expliquent cette situation, par l’usage d’une formule singulière : « le modèle de la hâte ». Celui-ci renvoie aux exigences d’intensité, de réactivité, d’adaptabilité qui dessinent un faisceau de contraintes pesant sur les temps du travail. Les économistes (Askenazy, 2004) appellent cela le « productivisme réactif » caractérisant un état de flexibilité accrue, de diversification de la production, des flux tendus, de l’immédiateté dans la réponse aux demandes des clients, de l’innovation perpétuelle et surtout de la réduction continue des effectifs « au plus juste ».

Désormais, un nouveau travail apparaît dans le temps du travail, celui affecté à la synchronisation des temps (Gaudart et Volkoff, 2022) pour faire face, autant que faire se peut, à la complexification du temps du travail. Cette stratégie est encouragée par le management du travail qui promeut la responsabilisation individuelle, bien souvent avancée comme de l’autonomie octroyée, mais in fine reléguant à l’arbitraire de chacun, et surtout à la réalité de la latitude permise par la situation, la possibilité d’une régulation efficiente qui bien souvent se fait au détriment de l’opérateur et au bénéfice de la tâche. Alors qu’objectivement le temps de travail diminue, ce dernier est plus prégnant sur le plan subjectif ; ce mouvement inversé éclaire simultanément l’enjeu de la synchronisation des temps et du management du travail humain.

Le temps, un indicateur dépassé pour manager le travail

Un examen attentif du temps de la vie dédié au travail, uniquement sur la période de la vie active et en excluant le temps de veille physiologique (sommeil), montre que chaque travailleur consacre à peine 20 % du temps de sa vie éveillée à s’affairer pour produire ! Pourtant, l’occupation psychique due au travail semble plus importante pour tout un chacun. Ce paradoxe chronopsychique éclaire bien l’engagement requis PAR LE, POUR LE et AU travail ; il est difficile de faire semblant car, a minima, le travail est un organisateur de la vie individuelle et collective. Il fonde non seulement des rapports sociaux, mais constitue le réceptacle de l’élaboration normative qui priorise les objets psychiques de la vie ; les fameux centres d’intérêt. D’ailleurs, ce « poids » du travail est considérable au point d’organiser notre vie hors travail, voire de l’occuper, la parasiter et dans certains cas l’occulter. Ces dernières années, les structures productives de biens et de services, privées ou publiques, sont confrontées à un même « mal » ; celui de la surcharge. Ce symptôme illustre à la fois une réalité physique quantifiable temporellement et la limite de son acceptation par les travailleurs, au-delà de l’exercice comptable du chronomètre.

Le management du travail est bien souvent démuni pour résoudre cette équation ; l’accroissement des ressources humaines est inenvisageable, la remise en cause des objectifs est inconcevable, le questionnement de l’organisation du travail est impensable. Il ne reste que l’accroissement de la performance du facteur humain et, le cas échéant, son remplacement par une machine. Pourtant, lorsque le management s’empare de l’organisation du travail, il œuvre avec utilité et pertinence sur la véritable marge de l’enjeu du travail, qu’avait d’ailleurs très tôt repérée Taylor ! Cela suppose juste de passer d’une logique où règne la « dictature du temps réel », rythmée par l’horloge, pour regarder les temps qui comptent dans le travail et qui ne sont pas forcément chronométrés. Que ce soit à l’hôpital ou dans une verrerie industrielle, l’articulation du temps et du travail se révèle être un exercice compliqué où il semble préférable de simplifier le problème pour éviter tout « casus belli » organisationnel !

Du temps absolu à la relativité du travail

Grossin (1996) invite « à donner la primauté au contenu plutôt qu’au contenant » c’est-à-dire à dépasser le temps de l’horloge pour découvrir que « chaque phénomène produit son temps ». Cette proposition est séduisante car d’une part elle souligne l’intérêt de l’analyse de l’activité réelle de travail, telle que la définit l’ergonomie de langue française, et d’autre part elle induit un challenge à relever pour dépasser le temps mesurable et accéder à son fondement et ses externalités bien moins visibles. Deux exemples, présentés ci-après, vont s’efforcer d’illustrer cette approche. Le premier traite du travail d’une opératrice en charge du contrôle qualité dans une verrerie, le second s’intéresse au métier d’infirmière en milieu hospitalier.

Augmenter la cadence

Le cas ci-dessous trouve son origine dans une double demande émanant d’une part de la direction des ressources humaines confrontée à une hausse des licenciements pour inaptitude – possiblement liée à de mauvaises conditions de travail – et d’autre part de la direction de la production qui souhaite multiplier par deux la productivité sur un poste de contrôle qualité. Cette verrerie, installée dans le nord de la France, produit toutes sortes de flacons et bouteilles pour l’agroalimentaire. Ces récipients sont notamment destinés à accueillir des boissons alcoolisées à forte valeur ajoutée. Ils se caractérisent par une esthétique soignée, qualifiée en interne de « décor ». Il s’agit d’une encre imprimée et cuite directement sur le verre. Avant d’être conditionnée et expédiée, chaque bouteille fait l’objet d’un contrôle qualité pour s’assurer que le décor ne présente pas de défauts. L’entreprise a mis en place un système de conditionnement automatique afin de supprimer les tâches de manutention manuelle dédiée à la composition des palettes de bouteilles. Cette solution technique offre un gain de temps indéniable puisqu’elle se substitue au travail de trois opératrices. Néanmoins, la tâche préalable de contrôle reste assurée par une opératrice à qui il est demandé de vérifier toutes les bouteilles qui défilent devant elle sans les toucher – grâce à la présence d’un miroir qui doit permettre d’examiner la face opposée – puis de procéder au prélèvement de la dernière bouteille qui passe pour procéder à son examen approfondi.

L’observation du travail réel révèle alors que l’opératrice ne respecte pas la prescription puisqu’elle touche les bouteilles. Ce faisant, elle adopte une posture (rotation et extension du tronc) et des gestes (extension des membres supérieurs au-dessus du cœur et sollicitation angulaire extrême de la coiffe des rotateurs) qui vont à terme altérer sa santé physique, provoquant des troubles musculosquelettiques. Ici, les stratégies de régulation, adoptées par l’opératrice, portent sur la tâche (toucher les bouteilles) et ses conduites motrices (anticipation visuelle, rotation du tronc, extension des membres supérieurs). La contrainte temporelle, définie par la cadence de 60 bouteilles par minute à contrôler, requiert un double engagement à la fois pour modifier le prescrit et s’ingénier à faire face au train de bouteilles, dont la vitesse de défilement est telle que le corps a du mal à suivre, comme en atteste les conduites motrices d’anticipation pour faire tourner les bouteilles avant même qu’elles soient devant l’opératrice.

L’analyste comprend alors que la prescription temporelle ignore le travail réel, celui qui est requis et consenti par l’opératrice. D’ailleurs, il apparaît que la manipulation de toutes les bouteilles qui passent, afin de les faire tourner pour voir ce qui se passe « derrière », est une opération vaine en termes de performance puisque cela laisse moins d’une seconde pour scruter l’objet et repérer un défaut ! Or, le projet prévoit de doubler la cadence ; 120 bouteilles par minute. Dans ces conditions, comment atteindre les objectifs fixés dans le temps imparti ? L’une des voies explorées pour améliorer cette situation a été de modifier la prescription en passant d’un contrôle systématique à une modalité aléatoire. Cette évolution a été possible par un examen fin de la qualité de la production, autrement dit des traces de l’activité. Celle-ci a montré que le taux de rebut était extrêmement faible, grâce à une haute maîtrise de la production en amont, ne nécessitant pas – finalement – de vérifier toutes les bouteilles. Dans cet exemple, l’enjeu du temps a finalement constitué une opportunité originale pour améliorer les conditions de travail en pensant l’activité autrement. Désormais, le challenge confié à l’opératrice est d’opérer ce prélèvement au hasard et de remettre la bouteille analysée dans le train quasi discontinu et rapide qui défile devant ses yeux !

Accroître la durée

Ces dernières années, les hôpitaux ont adopté de nouveaux modes d’organisation temporelle du travail via la mise en place de vacations quotidiennes de 12 heures assurées par deux équipes ; une le jour et une autre la nuit. Chacune travaille en moyenne 3 jours par semaine, laissant un certain temps « libre » pour une population de travailleurs très féminisée qui doit bien souvent assurer parallèlement de nombreuses tâches « domestiques ». Cette pratique est couramment observée dans les établissements de soins de santé, notamment dans les unités de soins infirmiers. Les avantages perçus du travail en équipes de 12 heures peuvent inclure une meilleure continuité des soins pour les patients, une réduction des transitions d’équipe (passages de relais) et des horaires plus flexibles pour les professionnels de la santé. Cela peut également permettre aux travailleurs de bénéficier de plus de jours de congé consécutifs, ce qui peut être avantageux pour la gestion du temps personnel. Cependant, il existe des débats et des préoccupations liés à cette pratique. Certains critiques soulignent des problèmes potentiels tels que la fatigue accrue chez les travailleurs, le risque accru d’erreurs médicales, et des conséquences négatives sur la santé et le bien-être des professionnels de la santé. En d’autres termes, la stratégie gestionnaire peut, à court terme, se révéler efficace, et ce d’autant plus qu’elle répond à une aspiration de conciliation des univers de vie chez ces professionnels, mais ne dit rien sur le temps long de cet exercice tant du point de vue de sa performance sanitaire que de sa soutenabilité humaine.

Afin de mieux apprécier la réalité de ce travail en 12 heures, une campagne d’observations a été menée dans différents services de soins (10 au total) selon un protocole rigoureux consistant à noter l’opération de travail réalisée chaque minute, et ce pendant la durée totale de la vacation, à savoir 12 heures, le jour comme la nuit. La mise en perspective des activités diurnes et nocturnes révèle deux facettes complémentaires du travail infirmier dicté par les contraintes de production des soins, mais aussi par le temps de vie des patients. Ces derniers dorment la nuit requérant de fait un travail de « surveillance » plus important, puisque c’est un moment propice à une décompensation physiologique. En revanche, les échanges sont plus présents le jour. Ces deux évolutions rendent compte des temps qui s’articulent plus ou moins et face auxquels l’activité de travail s’adapte. D’ailleurs, cette dynamique est nettement repérable dans les chroniques d’activité ; le travail diurne est caractérisé par un fractionnement des opérations, une dilution tout au long du temps de la vacation quand le travail nocturne les regroupe et induit une massification d’opérations sur des temps beaucoup plus conséquents.

Mais cette lecture ne dit rien de ce que mobilise le travailleur pour faire face. Alors, en référant ces opérations aux contraintes physiques et mentales principalement requises, une autre lecture du temps de travail apparaît. Le travail de nuit est plus astreignant au plan cognitif que ce qu’il est durant le jour. Or, l’organisme humain se révèle moins performant la nuit ; sa vigilance est moindre et tend à s’amenuiser au fur et à mesure des heures qui passent. C’est cette vigilance qui garantit les performances attentionnelles nécessaires aux opérations de surveillance. Il y a donc une incompatibilité entre ce qui est attendu par le travail et ce qui est permis durant ce temps nocturne par le facteur humain. Des stratégies individuelles existent, comme la consommation de substances qui stimulent l’état d’éveil (caféine, nicotine), mais encore une fois elles se font au détriment du travailleur. Quant aux stratégies collectives, elles sont plus adaptées mais interrogent directement les ressources humaines disponibles ! Une troisième voie est possible ; elle consiste à réfléchir sur une chrono-organisation du travail tenant compte de la disponibilité physique et cognitive des travailleurs pour distribuer les opérations dans des temps appropriés. Ainsi, à titre d’exemple, plutôt que de planifier la préparation des médicaments à distribuer en fin de vacation – avant le réveil des patients –, cette opération est à privilégier dès le début de la prise de service, car l’enjeu est conséquent pour éviter toute erreur. Ensuite, il est possible de proposer une structuration du temps qui alterne les sollicitations cognitives et physiques pour mieux maintenir la vigilance, mais aussi d’inclure des temps de récupération fractionnés sur les 12 heures. Aspirer à un temps du travail soutenable, c’est finalement exprimé une attention bienveillante pour le faire au mieux.

Accorder du temps aux temps

L’exposé liminaire ainsi que les exemples soulignent les enjeux du management du temps DU, DE et AU travail. En effet, il apparaît clairement impossible d’utiliser un modèle universel pour dicter cette relation du temps et du travail, tant la singularité, opératoire et contextuelle, des activités requiert des solutions situées selon les lieux et les temps. La voie de réflexion se situe donc plutôt dans la conception de dispositifs managériaux, qui autorisent une mise en débat afin d’assurer une cohérence entre le management temporel diachronique du travail et son développement dans le temps synchronique. Cette perspective autorise d’envisager autrement le rapport au travail et de reconnaître une valeur symbolique à l’activité humaine mobilisée dans ce cadre. Pourtant, il faut bien reconnaître que cela constitue un défi sociétal dans la mesure où d’un côté le législateur cherche à tout régler en amont, et de l’autre le travailleur est en quête d’autonomie – notamment décisionnelle – et de modulation des règles pour pouvoir faire un travail de qualité. Mais en réalité, plus qu’une recherche d’indépendance par rapport au temps objectif imposé, ce qui importe pour l’opérateur c’est d’être dans le temps de son travail afin d’en profiter pleinement.

Bibliographie Philippe Askenazy, Les désordres du travail, coll. « La République des idées », Seuil, 2004, 96 p. ; Robert Castel, Les Métamorphoses de la question sociale : une chronique du salariat, Fayard, 1995, 494 p. ; Pascal Etienne, « Intensification du travail », dans É. Brangier et G. Valléry (dir.), Ergonomie : 150 notions clés, Dunod, 2021. Henri Fayol, Administration industrielle et générale : prévoyance, organisation, commandement, coordination, contrôle, Dunod, 1918, 174 p. ; Corinne Gaudart et Serge Volkoff, Travail pressé : pour une écologie des temps du travail, Les Petits Matins, 2022, 207 p. ; William Grossin, Pour une science des temps : introduction à l’écologie temporelle, Octarès Éditions, 1996, 270 p. ; Pierre Jardillier, L’organisation humaine des entreprises, coll. « Le travail humain », PUF, 1965, 448 p. ; Frederick Winslow Taylor, The Principles of Scientific Management, Harper & Brothers Publishers, 1911, 144 p.