Le modèle social européen se définit comme un ensemble de valeurs ; pour l’essentiel, un attachement à la solidarité et aux droits sociaux et une moindre confiance dans l’autorégulation par le marché. Il vise à garantir un niveau de protection sociale élevé et une cohésion sociale forte par l’intervention de l’Etat et le dialogue avec les partenaires sociaux reconnus comme co-régulateurs. C’est un modèle original, résultat d’une création continue, fait de traits empruntés aux uns et aux autres.

En ce moment décisif de notre histoire européenne, il doit faire preuve de sa capacité de s’adapter à la nouvelle donne de la mondialisation et au défi de l’élargissement. Tel est le fil conducteur des contributions au colloque publiées dans ce cahier. Il ne saurait donc se réduire à la défense de tous les intérêts acquis, alors qu’il nous faut inventer une Europe ouverte à tous les citoyens et un ensemble respectueux de la diversité inhérente à l’histoire européenne. Se donner les moyens d’une nouvelle régulation impliquant l’ensemble des acteurs et qui reçoive l’adhésion des citoyens, voici l’enjeu.

Un militant de la CFDT Cadres, pour peu qu’il ait discuté avec ses collègues étrangers, ne sera pas dérouté par la diversité des relations professionnelles rappelée dans ce cahier. Ainsi tout se règle par la convention collective en Italie, ce qui n’est pas le cas en Allemagne, où elle ne s’applique qu’aux syndiqués. Le droit de grève reconnu à chaque salarié français est un droit réservé au syndicat en Allemagne. La participation des salariés oscille entre le droit à l’information ici pour aller vers la co-décision allemande. On saisit mieux dès lors que notre attachement au « service public à la française », par exemple, ne soit pas toujours compris de nos compatriotes européens.

C’est pourquoi, comme le soulignent les diverses contributions, la voie d’avenir est de garder l’uniformité des valeurs qui soutiennent le modèle social européen tout en acceptant une diversité dans les relations sociales enracinées dans des cultures sociales et politiques diverses. Préserver, renforcer et moderniser le modèle social européen suppose de s’adosser aux différences. Parmi les pistes discutées dans ce cahier, la méthode ouverte de coordination (MOC) retenue depuis le sommet de Lisbonne en 2000. Elle s’applique à l’emploi, la lutte contre l’exclusion, les retraites, l’éducation et l’innovation entre autres domaines. L’innovation de la MOC tient à la mise en œuvre par chaque Etat, avec les moyens de son choix, d’objectifs et d’un calendrier définis en commun, avant que l’ensemble soit soumis à une évaluation conjointe. L’intérêt de cette stratégie est de permettre de nouvelles convergences dans des domaines où l’Europe n’a pas encore de compétences communautaires.

Bien d’autres aspects des changements dans les relations sociales européennes sont aussi abordés dans ce cahier, comme la directive en cours d’élaboration sur la future Société Européenne et la participation des salariés ou la place du Conseil Economique et Social. Autant de raisons supplémentaires de s’approprier des réflexions utiles à nos responsabilités de syndicalistes qui croient à la nécessité de renforcer l’Europe sociale en ces temps où soufflent fort les vents dérégulateurs.