L'institution d'un revenu d'existence, attribué dès la naissance à tout individu et soumis à aucune condition, a pour objectif de se substituer à toutes les prestations de la protection sociale.

L'auteur part d'une critique de la pensée économique libérale, défendue par des économistes comme Hayek et fondée sur "l'individualisme méthodologique". Ces théories représentent la vie économique comme celle d'un rassemblement d'individus séparés, ne s'intéressant chacun qu'à sa satisfaction personnelle et ne communiquant avec les autres qu'à travers les échanges de biens et services. Pour Hayek, les individus participent à un ordre qui les dépasse, d'où la vanité de vouloir planifier l'économie, seule la libre concurrence peut produire un ordre spontané efficace.

Yoland Bresson conteste cette vision de la société : "L'individualisme ne permet pas de faire comprendre comment la vie économique fabrique l'ordre social collectif ". Le libéralisme ne saurait tout régler. Si compétition et concurrence ont été les moteurs du progrès humain, nous avons maintenant réussi à vaincre la rareté matérielle et nous sommes en mesure de tout produire en trop avec de moins en moins de travail humain. D'où l'idée de changer notre regard sur la société. Le plein-emploi salarié ne reviendra plus sous ses formes antérieures. L'intermittence deviendra la règle pour beaucoup. Le chômage structurel restera élevé. Les protections deviennent de plus en plus coûteuses et l'attirance du modèle américain se renforce. Il consiste à laisser les forces du marché accompagner le mouvement. Tant pis pour les moins favorisés ! Il devient donc indispensable de couper le lien strict emploi-revenu, changer la distribution des richesses, donner à chacun inconditionnellement un même revenu d'existence que chacun complète par des revenus d'activités.

Ce revenu d'existence est calculé à partir de la richesse nationale. Y. Bresson a établi une théorie à partir d'une équivalence entre temps et monnaie dans les échanges humains. Il définit un étalon temps k comme étant la fraction de temps contraint, nécessaire pour obtenir toutes les ressources offertes à l'échange. Si on désigne par m la mesure en monnaie par individu des richesses de la société, le revenu d'existence est donné par le produit km. On trouve, pour la France, en 1995, k = 0,23. La masse des revenus primaires reçus par les individus représente (INSEE) près de 5 700 milliards de francs, soit, avec 60 millions d'habitants, m = 95 000 francs par an, on obtient ainsi un revenu d'existence de 1 820 francs par mois. Y. Bresson propose d'instaurer un tel revenu progressivement en 5 ans (1/5 la première année, puis 2/5,...). Il écarte par avance toutes les critiques émises à l'égard du système qu'il propose : il n'y a pas de risque de voir la paresse s'emparer d'une partie de la population et provoquer un marasme économique, ce n'est pas utopique, c'est finançable (économie sur la protection sociale, utilisation de la taxe Tobin).

Peut-être ? Mais établir un tel système constituerait un tel bouleversement social qu'on ne le voit pas en place demain.