Dans les métiers intellectuels où les facteurs organisationnels et psychologiques sont essentiels, les critères cognitifs sont prégnants. La charge de travail doit être acceptable mais il faut aussi être attentif au sentiment d’avoir (ou de ne pas avoir) les moyens de faire. Le « débordement » est une caractéristique fréquente du travail du cadre, les causes en sont multiples : temps de trajet, durée hebdomadaire de travail, charge et intensité du travail, utilisation des technologies numériques et générateur de stress, d’autant que celui-ci est souvent accompagné d’injonctions paradoxales.

Si une partie de la charge de travail peut s’objectiver, des facteurs exogènes tels que le plaisir de son propre travail, la reconnaissance sociale, la reconnaissance par ses pairs, la solidarité dans l’équipe ou le niveau de coopération peuvent en modifier la perception. Le ressenti varie selon les individus et leur situation personnelle et les réactions positives ou négatives des proches dans la vie privée. Néanmoins la charge mentale liée aux exigences de délai, à la gestion des relations (collègues, tiers, responsables) ne doit pas être sous-évaluée et l’organisation du travail doit-être interrogée. C’est souvent au travers de difficultés à organiser et à s’organiser - pourtant inhérentes à la fonction - que va arriver la culpabilisation ; c’est pourquoi, pour mieux vivre les contraintes, il faut accepter que tout ne dépend pas de soi... surtout en cas d’impossibilité organisationnelle. La Cour de cassation rappelle ainsi concernant les salariés au forfait jours que « ce n’est pas au salarié de veiller à ce que sa charge reste raisonnable » (n°11-20.985, 11 juin 2014).

Face à la culture du présentéisme

Voilà qui interroge le surprésentéisme, qui s’exprime sous différentes formes : venir régulièrement très tôt et/ou de finir systématiquement tardivement ou bien venir lorsqu’on est malade, au lieu de se reposer… avec des motivations très diverses - le sentiment d’être indispensable, le respect d’échéances, la surcharge de travail, la peur des représailles, le refus de voir son revenu diminué, le transport dans les grandes agglomérations… Les .../... mobiles différents appellent des solutions différentes et contrairement à ce que l’on peut penser, le surprésentéisme entraîne une productivité dégradée, coûte à l’entreprise ou l’administration et est un risque pour la santé.

Le présentéisme en France est fortement rattaché à la représentation du travail et facteur de discrimination indirecte. Cette culture pénalise fortement les femmes car moins de présence au bureau est assimilée à moins de disponibilité et d’engagement professionnel, alors que les femmes cadres travaillent régulièrement chez elles !1 Dans les freins à la prise de responsabilités, les femmes cadres évoquent le présentéisme comme l’un des trois facteurs avec la maternité et les préjugés des hommes. Côté entreprise, les RH estiment que la disponibilité des femmes est le principal frein à leur carrière… La culture des organisations est ancrée sur une norme implicite de performance masculine. Ainsi le temps partiel est souvent perçu comme un désinvestissement de l’entreprise alors qu’être à son poste à vingt heures est perçu comme un signe d’abnégation et de forte implication2.

Maintenir les équilibres

La CFDT Cadres revendique une meilleure maîtrise de sa charge de travail et une lutte contre le présentéisme. Ce qui passe par une évolution de la culture des entreprises : aux managers de montrer l’exemple pour que les autres salariés se sentent légitimes à respecter leurs équilibres de vie, à évaluer le travail davantage par l’atteinte d’objectifs. Il faut également s’appuyer sur des accords et une organisation du travail plus efficace, promouvant des modes de travail respectueux des besoins des personnes. Prendre du temps pour parler ensemble des usages du numérique et du mail en particulier ; trouver des solutions qui vont agir sur l’organisation du travail. Cette discussion débouche aussi souvent sur la question de la confiance qui influe sur le ressenti de la charge de travail. La CFDT Cadres revendique ainsi un véritable droit au repos et à la déconnexion, la mise en place effective d’espaces de dialogues sur l’organisation de l’activité3.

1 : Cf. L’enquête de la CFDT Cadres, « Travail et Temps : comment maintenir les équilibres ? » 2012.

2 : Cf. P. Blancard, Le Guide du manager, 2nde éd., juin 2018.

3 : Cf. CFDT Cadres, « Travail et temps maintenir les équilibres », mars 2019.