Avec la dégradation conjoncturelle, les formes d’emploi qui s’éloignent du contrat de travail salarié classique (à durée indéterminée) régi par le code du travail pour se rapprocher peu ou prou d’un contrat de type commercial (dans ses conséquences du moins) se multiplient.

Le contrat à durée déterminée (CDD) : tout en restant encadré par le droit du travail avec une prime complémentaire censée en « réparer » la précarité, il permet à l’employeur d’ajuster ses ressources à ses besoins, de s’assurer d’une flexibilité du travail. Il est aussi parfois utilisé comme une période d’essai « à rallonge ».

L’intérim : l’employé a un contrat de travail salarié (contrat de mission) avec son entreprise de travail temporaire, qui elle de son côté, conclut un contrat commercial avec son client (contrat de mise à disposition).

Le temps partagé : il n’existe pas à proprement parler de dispositif légal l’encadrant, à défaut, il obéit aux règles du salariat à temps partiel, un cumul de contrats avec différents employeurs. C’est le salarié qui organise lui-même le montage de ses activités en fonction des besoins de ses employeurs. S’il cotise au titre de tous ses emplois, il ne dispose pas des mêmes garanties qu’un salarié classique, par exemple, s’il perd l’un de ses emplois, il n’est pas sûr de bénéficier des allocations chômage (la rémunération des emplois conservés ne devant pas excéder 47 % du total des rémunérations antérieurement perçues).

L’activité en indépendant, profession libérale ou free lance... : il s’agit ici de création de son propre emploi dans un environnement juridique qui ne relève pas du droit du travail et de s’assurer de ressources par le biais de contrats commerciaux.

La création ou reprise d’entreprise : même si le créateur est dirigeant salarié, il ne bénéficie pas du système d’assurance chômage, d’une durée maximale du travail... Quant à sa rémunération, elle est en pratique directement liée à l’activité, aux contrats commerciaux qu’il pourra conclure.

En 1995, on dénombrait 179 000 créations et 46 500 reprises d’entreprise, autant d’emplois hors du cadre du droit du travail.

L’Apec dans une des ses études récentes « Regards sur quelques formes particulières d’emploi » relève clairement que si le contrat à durée déterminée, l’intérim, le temps partagé ne représentent qu’une faible part de l’emploi cadre total, ils touchent très fortement les jeunes débutants et les chômeurs qui tentent de se réinsérer et subissent souvent des périodes probatoires précaires avant leur premier ou nouvel emploi sous contrat à durée indéterminée.

Nous publions une synthèse des enseignements de l’étude Apec qui comporte, par ailleurs, de très intéressants témoignages de cadres.

Le CDD : un décalage entre espoir et réalité

Tout se passe comme si les cadres considéraient le CDD comme une promesse d’intégration définitive dans l’entreprise.

Alors qu’ils ont signé un contrat limité dans le temps, dont ils connaissent le terme, tout se passe comme s’ils « oubliaient » le terme, prenant le silence de l’entreprise à ce sujet comme l’acceptation tacite d’une relation pérenne en dépit de ce qui a été signé. Ceci est si fort qu’ils vont reprocher à l’entreprise son « rejet » alors que le terme de leur mission était prévu, et formalisé par écrit dans le contrat.

Il n’est que de lire attentivement les témoignages pour voir comment les cadres concernés en arrivent à ce type de fonctionnement.

Que nous disent-ils en effet ? Que lors de leur présence dans l’entreprise, ils ont travaillé comme et de la même manière qu’un cadre sous contrat à durée indéterminée : on leur a confié des responsabilités (voire la délégation de signature), ils en ont pris, ils ont rapporté des contrats à l’entreprise, ils ont participé à des séminaires d’intégration ( !), bref ils ont « roulé » pour elle. On comprend dans ce cas qu’« ils s’y croient », et la chute est dure quand le contrat s’achève, car si eux ont « oublié » le terme de leur contrat, l’entreprise, elle, ne l’a pas oublié.

L’intérim des cadres

Au sein d’un dispositif très cadré légalement, l’intérim représente une solution, lorsqu’on est au chômage, pour « être en prise » avec l’activité, avec un espoir fort d’intégrer l’entreprise dans laquelle on exécute la mission.

Plus clair que le CDD, puisque le cadre ne contracte pas directement avec l’entreprise dans laquelle il exerce mais avec l’entreprise de travail temporaire.

Utile dans toutes les situations de transition : retour de l’étranger, reprise du travail après interruption, avant le départ au service national, recherche d’un premier emploi, situation de reconversion. L’intérim peut aussi représenter un « sas » dans une carrière : l’intérim est le moyen de se donner du temps (des revenus) pour amorcer un changement de carrière : du statut de cadre salarié à celui de créateur d’entreprise après un temps de maturation de projet pendant lequel on effectue des missions d’intérim.

Le temps partagé, une solution ?

L’illusion est forte, parmi un certain nombre de cadres au chômage, de croire qu’il est plus facile de trouver plusieurs emplois à temps partiel qu’un seul poste à temps complet. Nous craignons que l’illusion ne vienne du découragement engendré par une recherche d’emploi longue, difficile et qui n’aboutit pas. Or l’on constate que les handicaps au recrutement (l’âge, comme aussi le fait d’être au chômage, par exemple) loin de disparaître, perdurent, même dans le cas d’une proposition de travail à temps partiel.

Pourquoi et avec quels arguments, les cadres proposent-ils le temps partagé aux entreprises ? Essentiellement pour des raisons économiques : représenter un moindre coût pour l’entreprise.

Or que voyons-nous ? Qu’ils ont du mal à trouver un poste à temps partiel, et que lorsqu’ils en ont un, ils ont d’énormes difficultés à en trouver un deuxième. Ce qui explique que peu de cadres travaillent réellement à temps partagé.

A tel point que lors d’un colloque sur le travail à temps partagé, une association rendant compte de ses démarches de prospection auprès des entreprises, déclara avoir trouvé des opportunités de poste à pourvoir mais... à plein temps ! Lorsque les entreprises s’attachent les services d’un salarié, a fortiori un cadre, elle le veulent en permanence dédié à ses activités : tout se passe en effet comme s’il n’y avait pas de demi-mesure en matière de ressources humaines. Contradiction d’un « système » dont la logique de réussite veut que le poste passe à temps plein !

La création d’entreprise (société ou entreprise individuelle)

Quels sont les facteurs qui poussent les cadres à créer leur entreprise ?

C’est aujourd’hui, plus qu’hier, le chômage et/ou la difficulté à trouver un emploi salarié.

Car en effet, force est de constater que nombre de cadres au chômage trouvent, à défaut d’emploi salarié, une activité. Ils se voient alors orientés par leur « client » (l’entreprise) vers la création de leur propre emploi : « Nous ne pouvons pas vous embaucher mais installez-vous et nous vous donnerons du travail ».

On constate que le choix de la structure pose souvent un problème aigu à des cadres qui n’ont connu que l’emploi salarié. Or, ceci est regrettable dans la mesure où ce choix doit être subordonné aux autres éléments de décision que sont entre autres la nature de l’activité et les moyens que l’on possède.

En effet, la structure, c’est -à-dire en quelque sorte l’enveloppe de l’activité, ne doit être considérée que comme un moyen et non comme une fin.

D’autres motivations existent, tel le désir de fuir le poids des hiérarchies, d’être décisionnaire, de se confronter à une réalisation dont on est seul et entièrement responsable, d’exercer des activités variées : « tout faire, c’est fatigant, mais qu’est-ce que c’est exaltant et qu’est-ce que c’est formateur ! » . Une solution lorsqu’on a un produit ou un service à vendre, doublé d’un excellent réseau de relations professionnelles.

  • Une solution lorsqu’on peut compter sur ses propres moyens et ne pas attendre des revenus immédiats importants.
  • Où il est plus facile d’entreprendre lorsqu’on a gardé des contacts avec son précédent employeur.
  • Où les cadres anciens salariés de grandes structures, habitués à une logistique (secrétariat, services généraux, etc), rencontrent quelques difficultés, nouvelles pour eux.
  • Où « la réalisation de soi » et le fait d’« être décisionnaire », qui sont parmi les moteurs les plus importants de la décision d’entreprendre et qui sont aussi porteurs de gratifications importantes, se paient cher en temps de travail et en revenus.
  • Où il faut savoir qu’au démarrage, un temps plus important est consacré au commercial et à la gestion/organisation plutôt qu’à l’activité elle-même.