L’UNEDIC indemnise les chômeurs mais qu’est-ce qu’un chômeur ?

Il existe le chômeur statistique au sens du B.I.T., le chômeur au sens administratif de l’A.N.P.E. et le chômeur indemnisable, celui de l’UNEDIC. Les trois catégories ne se confondent pas nécessairement. Le chômeur indemnisable par l’assurance-chômage (c’est-à-dire en dehors du régime de solidarité) est « involontairement privé d’emploi », c’est un principe donné par la loi. L’assurance-chômage est née sous forme d’un dispositif conventionnel en 1958 puis l’Etat, par les ordonnances de 1959, l’a placé dans un cadre légal pour donner force obligatoire aux dispositions conventionnelles prises par les partenaires sociaux. Depuis, les négociations collectives entre ces derniers conduisent périodiquement à des accords qui déterminent comment, concrètement, on va décliner le principe de base. Ce principe de base, rappelons-le, est qu’est indemnisable la personne involontairement privée d’emploi, inscrite comme demandeur d’emploi (il faut faire constater cette situation de privation d’emploi par l’A.N.P.E.), qui accomplit des actes positifs de recherche d’emploi (démarche de sa propre initiative, réponse aux propositions...), apte à l’exercice d’un emploi et qui peut justifier d’une affiliation d’une certaine durée. Plus on a cotisé longtemps, plus on peut être protégé longtemps.

Pas tout à fait : qu’on ait cotisé dix ou trente-cinq ans, les droits sont les mêmes. Il ne s’agit pas d’un système à points.

L’objectif originel de l’assurance-chômage était d’accorder un revenu de remplacement pour une courte période de privation d’emploi. Le chômage de longue durée n’existait pas. Ce système a fonctionné sans grands changements de l’origine à la fin des années soixante-dix mais l’apparition d’un sous-emploi durable a conduit l’assurance-chômage à évoluer. Par tâtonnements, on a commencé à déroger à certaines règles, en particulier à celle qui voulait que le chômeur soit totalement privé d’emploi. En 1983, on a accepté le temps réduit, de façon très encadrée, avec des conditions très strictes et pour un temps très court, on l’a ensuite précisé à la suite de certains événements et de diverses pressions mais surtout parce que le nombre de travailleurs précaires augmentait. Les années quatre-vingt ont été celles des ajustements successifs réalisés avec pragmatisme, les dernières décisions ont été prises en mai 1995. Ce processus d’ajustement n’est pas terminé, d’autres ajustements sont à prévoir.

L’indemnisation du chômage a donc été organisée pour un travailleur en C.D.I. à temps plein, licencié et recherchant activement un emploi de même nature. Est-elle bien adaptée aux changements qui ont lieu à vitesse accélérée dans l’emploi - et le non emploi - dans la France d’aujourd’hui, temps partiels, temps partagé, coexistence de salariat et d’indépendance, etc. bref tout ce que l’on appelle les contrats « atypiques » et qui tend à devenir la nouvelle norme ?

L’assurance-chômage indemnise le chômage total, participe au financement du chômage partiel de longue durée, n’indemnise pas le chômage saisonnier mais encourage la reprise partielle d’activité par un chômeur indemnisé.

Quand une entreprise réduit le nombre d'heures de travail effectuées, les heures perdues donnent lieu à indemnisation à raison de cinquante pour cent. Ce système, qui n'est pas nouveau puisqu'il date de la première guerre mondiale, permet à l'employeur de garder en cas de difficultés momentanées son potentiel de main-d'œuvre.

Certains salariés, en l'absence de cette mesure, seraient licenciés et donc indemnisés par l'assurance-chômage si bien qu'il a pu paraître logique que celle-ci participe au financement de cette indemnisation à partir d'un certain seuil. Jusqu'à sept cents heures par an dans le cadre du chômage partiel classique seul l'Etat et l'employeur sont financeurs.

Lorsque le chômage est appelé à durer plus de sept cents heures, l'indemnisation qui en résulte peut être cofinancée par l'Etat, l'employeur et l'assurance-chômage dans la limite de mille deux cents heures. Cette forme de chômage dénommée « temps réduit indemnisé de longue durée » (TRILD) donne lieu à la conclusion d'une convention du FNE entre l'Etat et l'entreprise. De ce fait, le contrôle de l'administration s'exerce sur ces situations éliminant les risque d'effets pervers. Il est toutefois à observer que depuis le 1er janvier 1996 l'Etat ne signe plus de convention à ce sujet.

Les chômeurs saisonniers sont exclus de l'indemnisation. Le chômage saisonnier peut résulter de l'accomplissement d'une activité considéré comme saisonnière (elles sont limitativement énumérées, il s'agit entre autres de l'hôtellerie et du tourisme) ou bien du rythme d'activité du salarié. Dans les deux cas l'interruption régulière de l'activité est prévue, il ne s'agit pas d'un aléas et n'est donc pas indemnisable.

La reprise partielle d'activité est aujourd'hui encouragée.

Il existait des situations qui n'étaient régies ni par le chômage complet ni par le chômage partiel. A partir de 1983, on a accepté que les travailleurs privés d'emploi qui travaillaient à temps réduit pour un gain inférieur à 47 % de leur ancien salaire reçoivent une allocation pour le temps chômé. Il faut qu'ils gardent le statut de chômeur qu'ils se trouvent toujours dans les catégories indemnisables de l'A.N.P.E. et que, pour un mois donné, leur activité n'excède pas 136 heures.

L'assurance-chômage ne distingue pas le travail occasionnel du travail à temps réduit, elle apprécie une perte de revenu.

L'activité occasionnelle et l'activité à temps réduit sont traitées de la même façon. Chaque mois on calcule le quotient du revenu procuré par l'activité réduite (revenu qui en tout état de cause ne doit aujourd'hui pas être supérieur à 70 % du salaire de référence) par le salaire journalier de référence et on détermine ainsi un nombre théorique de jours travaillés. Par différence entre les jours calendaires et les jours ainsi calculés, on obtient le nombre de jours indemnisés. La durée d'indemnisation est plafonnée dans ce cadre, à dix-huit mois, mais chaque jour de travail intercalaire recule la date de dégressivité ou de fin des droits. C'est fait pour inciter à retrouver du travail. De plus, pour les personnes de plus de cinquante ans, on applique un coefficient de minoration des jours de travail de 0,8. Les personnes qui peuvent toucher des allocations jusqu'à leur retraite, ce qui est souvent le cas pour des personnes ayant été licenciées après cinquante cinq ans, ne sont concernées par aucune de ces limitations.

Pourquoi cette limite de dix-huit mois ?

Toujours parce que l'assurance-chômage est censée donner des prestations temporaires. Cette limite a cependant évolué pour accompagner la dégradation de la situation de l'emploi : elle a été de six mois, puis d'un an, actuellement elle se situe à dix-huit mois. Le rôle de l'UNEDIC n'est pas de donner un revenu complémentaire, de façon durable, mais d'aider le chômeur à retrouver une insertion stable. Faire perdurer le système serait encourager une forme de sous-emploi, alors qu'il faut faire en sorte que les gens aient un véritable emploi. Le danger est réel de voir des pans entiers de secteurs d'activité s'organiser pour faire payer en partie leur main-d'œuvre par l'assurance-chômage, comme c'est actuellement le cas dans les professions qui ont organisé l'activité de leurs salariés sur la base d'une succession de contrats à durée déterminée. Evidemment, savoir où placer la limite n'est pas un problème simple.

Le temps partagé ne bénéficie pas jusqu’à présent d’un cadre juridique. Si un salarié a deux ou plusieurs emplois et en perd un, il n’est pas considéré comme chômeur partiel.

Tout dépend de sa situation avant d’avoir des employeurs multiples. S’il était auparavant en chômage indemnisé, il peut obtenir une indemnisation si ses rémunérations n'excèdent pas 70 % de son ancien salaire. S’il pratique ce système des multiemployeurs sans être passé par le chômage indemnisé, la situation est différente. On distingue l’activité principale et la ou les activités accessoires. S’il perd son activité principale, il est possible d’accorder une prise en charge partielle si son activité accessoire lui apporte moins de 47 % de l’ensemble de ses revenus avant la perte de l’activité principale. S’il perd son activité accessoire, il n’a droit à rien.

Cela n’incite pas à la flexibilité

Dans le cadre des travailleurs intérimaires et des intermittents du spectacle, qui jouissent d’un financement par l’assurance-chômage des interruptions entre contrats pendant toute leur carrière, on a totalement externalisé la flexibilité. Ce n’est pas forcément possible ni nécessaire pour l’ensemble des secteurs.

Je voudrais vous citer un cas précis : le directeur technique d’une entreprise était par ailleurs gérant minoritaire et non rémunéré d’un petit bureau d’études. L’entreprise dont il était salarié dépose son bilan, les Assedic lui refusent toute allocation puisqu’il est par ailleurs mandataire social.

C’est tout le problème des mandataires sociaux. On touche ici à la notion d’activité professionnelle. Il n’existe pas de définition précise et unique de l’activité professionnelle. L’activité professionnelle est une activité habituelle exercée dans le but de se procurer des ressources pour subvenir à ses besoins, certes mais cela laisse des zones d’ombre. L’inscription au registre du commerce pose une présomption d’activité professionnelle, de même la gérance d'une SARL constitue aussi une activité professionnelle surtout si celui qui l'exerce y consacre tout son temps. Nous avons eu plusieurs contentieux à ce sujet. Un arrêt de la Cour de Cassation d'avril 1994 retient que la rémunération n’est pas un critère pour apprécier l’activité et que c’est la disponibilité qu'a l'intéressé pour rechercher un emploi qui permet de savoir si son activité de mandataire est ou non professionnelle.

Toutefois, il est généralement admis que les gérants minoritaires puissent obtenir des allocations de chômage en cas de perte de leurs fonctions techniques.

L'UNEDIC intervient aussi pour des gens qui ne sont plus dans la catégorie claire du chômeur à la recherche d'un emploi stable.

L'activation des dépenses a pris différentes formes : assurance-conversion, allocation de formation-reclassement, convention de coopération.

Une autre forme d'intervention de l'assurance-chômage est celle de la convention de conversion, mise en place en 1986. Il s'agit d'un accompagnement des licenciements économiques avec des financements croisés de l'entreprise, de l'Etat et de l'assurance-chômage qui assurent à la fois un revenu de remplacement et une action de reclassement. La personne n'a plus de lien avec l'employeur, elle n'a pas non plus le statut de demandeur d'emploi, elle se trouve dans une phase sui generis, intermédiaire entre le chômage et le salariat, celle de la conversion qui peut durer six mois ou plus et fait l'objet d'un accompagnement particulier de l'A.N.P.E..

L'allocation de formation reclassemen est financée conjointement par l'Etat et l'assurance-chômage. Un protocole du 10 juillet 1984 entre l'Etat et l'UNEDIC a partagé les rôles : tout ce qui est de l'ordre de l'assurance est du ressort des partenaires sociaux, ce qui concerne les pré-retraites et la formation des travailleurs privés d'emploi est de celui de l'Etat. Comme on a constaté que sur la formation l'intervention de l'Etat n'était pas suffisante, l'UNEDIC a accepté des dérogations. On doit admettre que l'assurance-chômage a à assumer un rôle dans la formation des chômeurs et qu'il est normal que, si l'Etat assure les trois quarts du financement, l'assurance-chômage fournisse le reste. C'est un système très ouvert, qui concerne environ cent mille bénéficiaires par an. Pour bénéficier de l'allocation-formation-reclassement, il faut suivre au préalable une évaluation-orientation, être bénéficiaire des allocations d'assurance-chômage et suivre une action de formation dispensée par un organisme agréé.

L'UNEDIC, dans le cadre des conventions de coopération, verse l'équivalent des indemnités de chômage à une entreprise qui a recruté une personne indemnisée plus de huit mois. Est-ce son rôle ?

L'UNEDIC gère un régime dont les principes sont fondés sur ceux de l'assurance. Un assureur cherche à réduire le risque à couvrir pour limiter ses dépenses soit par des mesures préventives, soit par des actions curatives.

La prévention du risque de privation d'emploi ou la lutte contre ce risque font donc nécessairement partie des préoccupations des gestionnaires du régime d'assurance chômage.

Dans ce cadre et à titre expérimental, le patronat et trois organisations syndicales représentatives des salariés ont signé le 8 juin 1994 un accord créant les « conventions de coopération de l'assurance chômage ». L'existence de ce dispositif a été consacrée juridiquement par le législateur par une loi du 4 février 1995. La convention de coopération constitue le support d'une aide à l'embauche accordée à une entreprise pour le recrutement d'un allocataire de l'assurance chômage indemnisé depuis plus de huit mois. Il s'agit de faire en sorte que des personnes dont les recherches d'emploi n'ont pu aboutir ne connaissent pas le chômage de longue durée. L'aide consiste à attribuer à l'entreprise l'équivalent des allocations dont l'intéressé aurait pu bénéficier durant douze mois.

Les conventions de coopération sont-elles efficaces pour l'emploi ? Quelles sont les catégories qui en ont le plus profité ?

Il est encore trop tôt pour apprécier l'impact des conventions de coopération sur l'emploi. Il s'agit, je le rappelle d'un dispositif expérimental. Ce que l'on peut indiquer, pour l'instant, c'est que cette mesure après quelques difficultés de mise en place connaît un réel succès. On enregistre maintenant près de deux mille embauches par mois au titre des conventions de coopérations, la majorité étant effectuée dans le secteur tertiaire.

Et quel type d'entreprise ? N'y a-t-il pas des effets d'aubaine ?

Les entreprises qui recourent le plus aux conventions de coopération sont les entreprises de moins de cinquante salariés (plus de 85 %), ce qui est cohérent puisque ce sont dans les PME que s'effectuent le plus grand nombre de créations d'emploi.

Certes, comme pour les autres dispositifs, les embauches réalisées au titre des conventions de coopération n'échappent certainement pas à l'effet d'aubaine. Il est difficile aujourd'hui d'en mesurer l'ampleur.

Le fonds paritaire pour l'emploi finance des préretraites. Est-ce le rôle de l'assurance chômage de financer des personnes qui ne sont plus disponibles pour travailler alors même qu'elle se montre si sévère pour les personnes n'ayant plus qu'un pied dans le salariat ?

Vous faites référence au Fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi que les partenaires sociaux ont unanimement mis en place pour un accord du 6 septembre 1995 et qui a fait l'objet d'une loi du 21 février 1996. Cet accord a institué un dispositif de cessation anticipée en contrepartie d'embauche. Il ne s'agit donc pas simplement de la mise en place d'une nouvelle préretraite. L'orientation est autre : l'objet de l'accord est de permettre l'embauche de demandeurs d'emploi en remplacement de salariés qui cessent leur activité pour se mettre en préretraite.

Comme les conventions de coopération, ce dispositif fait partie des mesures d'activation des dépenses du régime d'assurance chômage destinées au développement de l'emploi.

L'UNEDIC refuse d'indemniser les demandeurs d'emploi qui ont une activité bénévole. Est-ce normal ?

Cela est absolument faux. Seul l'exercice d'une activité professionnelle a une incidence sur les droits aux allocations d'assurance chômage. La question porte toutefois sur la notion d'activité professionnelle. Il n'existe pas de définition légale on peut néanmoins retenir si on se réfère à la jurisprudence et à la doctrine qu'il s'agit de l'activité habituelle exercée dans le but de se procurer des ressources pour subvenir à des besoins vitaux. Dès lors que l'activité ne répond pas à ces critères elle n'est pas considérée comme professionnelle. Deux exceptions toutefois sont à signaler : une activité exercée pour le compte de l'ancien employeur d'un salarié n'est pas considérée comme bénévole même si elle n'est pas rémunérée. Il est aisé d'en comprendre les raisons. Cette tolérance pourrait conduire à faire financer par l'assurance chômage des périodes de travail qui en réalité ont un caractère professionnel. L'autre exception concerne les activités assurées à titre gratuit dans des associations alors qu'elles correspondent à des emplois qui pourraient normalement être tenus (en raison de leur importance et de leur professionnalité) par des salariés. Dans cette hypothèse le caractère bénévole peut être mis en doute.

Sous ces réserves, le régime d'assurance chômage ne met aucun obstacle à l'exercice d'activités bénévoles. Ces dernières constituent, en effet, un moyen pour les demandeurs d'emploi de sortir de l'isolement, de tisser des contacts, ce qui ne peut que les soutenir dans leurs actions d'insertion ou de réinsertion.