Utiliser l’expression « les fonctionnaires » permet en effet, selon les circonstances et les objectifs poursuivis, de viser un nombre d’autant plus pléthorique qu’on ne le connait pas, de remettre en cause un statut d’autant plus inacceptable qu’il n’a jamais été aussi fragile.

Une profusion d’irresponsables ?

C’est bien parce que ce terme n’avait, dans le dernier tiers du XIXe siècle, « ni dans le langage usuel, ni dans la langue de la loi, une signification nettement définie »[1], que le vicomte Georges d’Avenel pouvait alors affirmer, dans la Revue des deux mondes, que la France comptait « environ 1 million » de fonctionnaires civils[2] . On sait pourtant aujourd’hui, grâce à une évaluation réalisée quelques années plus tard, que le nombre des agents de l’État était probablement plus proche des 400 000[3]. Affirmant fonder ses calculs sur le recensement de la population, l’essayiste prétendait agréger les agents « en activité ou en retraite », ainsi que leurs « femmes, [leurs] enfants et [leurs] domestiques ». Cela permettait à ce nostalgique de la monarchie d’affirmer qu’en raison de la mise en place d’un régime républicain, « sur 37 personnes qui passent dans la rue, il y en a donc une en moyenne qui, directement ou indirectement, vit du budget, c’est-à-dire de la bourse publique, et dont la destinée en ce monde consiste à s’occuper des affaires des autres[4]. »

C’est aussi en jouant sur les définitions possibles du mot fonctionnaire que Pierre-Étienne Flandin pouvait affirmer, dans une r