Intervenant après le 5e Forum mondial sur l’eau tenu à Istanbul en mars 2009, cette livraison de la revue Géopolitique témoigne d’une prise de conscience assez récente des tensions internationales pesant sur cette ressource vitale. Associant des experts universitaires de différentes disciplines et des praticiens de la gestion des ressources, elle dresse un état des lieux indispensable pour comprendre les enjeux internationaux portés par la question de l’eau.

Par delà l’opposition entre les thèses onusiennes présentant l’eau comme un facteur d’intégration régionale et les thèses médiatiques annonçant les « guerres de l’eau » comme imminentes, ce numéro de Géopolitique signale la permanence de zones d’affrontement comme le Proche-Orient caractérisées par une inégale répartition de la ressource et une forte croissance démographique.

D’autre part, de nouvelles zones de tension émergent comme en Extrême-Orient où les politiques d’infrastructure hydrologiques de puissances régionales dominantes comme l’Inde ou la Chine peuvent avoir des répercussions en amont et surtout en aval sur le débit du Gange ou du Mékong, partant sur les activités qui en dépendent au Bangladesh ou au Vietnam. D’autres situations préoccupantes y sont analysées, ainsi la dégradation croissante des grands fleuves internationaux comme le Nil, le Rio Grande ou le Danube, et l’absence de cadre international pour la gestion des eaux souterraines partagées comme l’aquifère fossile d’Afrique du Nord.

Les perspectives de régulation par voie de convention internationale demeurent limitées en raison de conflits régionaux comme dans le bassin du Mékong ou de conflits internationalisés comme au Proche ou au Moyen-Orient.

La convention de New-York sur l’utilisation des cours d’eau internationaux adoptée en 1997 par les Nations-Unies n’est ratifiée que par 16 pays alors que 35 signatures seraient nécessaires pour qu’elle s’applique.

A défaut, on enregistre des accords multilatéraux permettant de résorber certaines tensions, comme l’Initiative pour le bassin du Nil créée sous l’égide de la Banque mondiale. Quant aux politiques basées sur la création de grands barrages, le dessalement de l’eau de mer ou les transferts d’eau, elles s’avèrent coûteuses et génèrent des effets pervers, ce qui jette un doute sur leur durabilité.

Au lendemain du sommet de Copenhague, dans un contexte de pénurie qui pourrait être aggravée par l’impact du changement climatique, nous avons le choix entre l’expression d’une plus grande solidarité internationale ou le repli tactique sur des intérêts nationaux : à nous d’évaluer la balance des avantages et inconvénients pour les prochaines décennies.

Le prochain Forum mondial de l’eau programmé en 2012 à Marseille devrait permettre de tester l’engagement des Etats en faveur du droit à l’eau, en particulier pour les pays riverains de la Méditerranée.