La crise a été rude incontestablement pour tous les salariés et les citoyens. Pour les jeunes générations elle a été encore plus violente.

Aujourd’hui, non seulement le taux de chômage de jeunes actifs n’a jamais été si élevé que pendant la crise mais l’écart entre les 15-24 ans et l’ensemble de la population n’a jamais été si grand. En France métropolitaine, à la fin de l’année 2009, le taux de chômeurs des 15-24 ans atteignait son plus haut niveau historique : 24,2 % contre 9,5 % pour l’ensemble de la population active. Les jeunes diplômés, ne sont pas à l’abri d’une précarisation accrue et la pauvreté chez certains jeunes même qualifiés est une réalité. Le contexte économique de crise aggrave la fragilisation des salariés et encore plus celle des jeunes, confrontés à une précarité et à des carrières professionnelles de plus en plus hachées.

Une demande accrue de soutien professionnel

La première transition dans un parcours professionnel, celle de la fin d’études et de l’accès à la vie active est un moment particulièrement délicat.

Le jeune qui débute n’a pas toujours une connaissance du monde de l’entreprise, de ses droits et devoirs face à son employeur, des codes de comportement et du langage appropriés indispensables à maîtriser le plus rapidement possible pour survivre.

Cette transition requiert des syndicats une attention et une disponibilité particulière.Un sondage conduit en mai dernier à la demande de la CFDT cadres met en lumière les attentes fortes des jeunes cadres en termes de tutorat, en direction des ressources humaines, mais également à l’égard des organisations syndicales et des représentants des salariés. Les résultats de cette enquête soulignent de la part des jeunes l’attente d’un soutien professionnel (le tuteur, le parrain) plus que hiérarchique (le manager).

Ces jeunes travailleurs sont demandeurs d’un esprit d’équipe et d’échange collectifs, de soutien professionnel, d’un besoin d’engagement sociétal alors que l’entreprise n’a souvent que pour seule réponse leur individualisation.

Pourquoi aujourd’hui les jeunes salariés boudent-ils les syndicats qui sont pourtant les acteurs de la construction des réponses collectives sociales et sociétales ? Pourquoi dénoncent-ils une accessibilité compliquée aux représentants syndicaux ? On ne peut pourtant pas dire que la CFDT ne s’intéresse pas depuis longtemps au problème du renouvellement générationnel et de la syndicalisation des jeunes.

C’est peut être autour de la forme de l’offre syndicale, du langage utilisé, des pratiques syndicales poursuivies, d’un défaut de visibilité et de lisibilité de l’action syndicale qu’il faut identifier la source de cet éloignement.

Répondre aux attentes d’une génération exigeante

Les évolutions profondes qui modifient le travail et son organisation exigent un renouvellement radical des pratiques syndicales. Le syndicalisme est donc fortement interpellé par la distance qui se crée avec les jeunes générations.

Peu de jeunes adhèrent aux syndicats en France. C’est aussi vrai en Europe et ceci même dans les pays qui ont toujours connu un taux d’adhérents très élevé. Si nous voulons échapper au vieillissement de notre réseau militant et créer les conditions pour garantir la pérennité du syndicat, exister dans les entreprises dans le cadre de la nouvelle loi sur la représentativité (que la CFDT a voulue), poursuivre dans le choix qui est l’essence même de la CFDT, celui d’un syndicalisme d’adhérents, il est certain qu’on doit prendre un tournant et sans trop tarder.

Les changements dans l’organisation du travail, dans le système de rémunération en entreprise, les changements de réglementation et ceux législatifs, conduisent, il est certain, à une augmentation de l’individualisme. De plus, les nouvelles formes d’emploi qui se développent tendent à amoindrir l’influence de l’action syndicale.

Aujourd’hui les jeunes professionnels ont un accès généralisé à internet qui satisfait leurs besoins de recherche ponctuelle sur un thème donné (juridique, par exemple). Ce sont des professionnels qui vivent dans la rapidité et ont développé une attitude critique globale.

Cette génération ne se contente pas de payer 20 euros par mois pour s’affilier à un syndicat. Elle se demande ce qu’elle obtient en retour et exige une réponse rapide à ses demandes !

C’est une génération qui fonctionne avec des réseaux sociaux que les générations d’avant ne pouvaient même pas concevoir. Et pourtant, comme on l’a vu, auprès de cette génération augmente le besoin d’accompagnement, de soutien, d’appui et de présence collective.

Renouveler la forme de l’offre syndicale, l’exemple de De UNIE en Hollande

Ces évolutions engagent les syndicalistes à relever ces défis et à trouver des réponses et des formes nouvelles (mais redécouvrir aussi celles anciennes) de relation et de fonctionnement.

Le tournant donné par le syndicat hollandais De UNIE sur la prise en charge des jeunes cadres (qu’ils appellent la génération Einstein) est résolument orienté vers la prise en compte de ces nouvelles réalités.

Partant du constat qu’en Hollande le syndicat perdait beaucoup de terrain sur la syndicalisation des jeunes, ce qui menaçait la pérennité même de l’organisation par manque de moyens financiers, un département a été entièrement dédié à la syndicalisation et à la captation des sympathisants parmi les jeunes étudiants.

Les mots que Bart Willems - responsable politique du développement des jeunes pour ce syndicat- a eu l’occasion d’exprimer au dernier comité national de la CFDT Cadres au printemps dernier, sont à cet égard éloquents : « Le développement le plus révolutionnaire que nous traversons, concerne nos services à destination du plus grand groupe parmi les jeunes, c’est-à-dire les non-adhérents. Dans notre bataille pour la promotion de la syndicalisation des travailleurs dans notre pays, nous avons dû nous poser la question: quel est le moteur qui pousse un jeune à rejoindre un syndicat ? Et la réponse à laquelle nous sommes parvenus est la suivante « ni les valeurs, ni les connaissances, ni l’influence d’un syndicat ne sont déterminants dans cette démarche. L’accent est mis en revanche sur la forme par laquelle les services sont offerts ».

Le facteur de réussite pour le syndicat hollandais passe par une approche qui positionne le syndicat comme l’assistant personnel des jeunes professionnels. « Nous ne voulons pas seulement être présents quand les choses vont mal, en réaction; nous voulons aider les travailleurs à faire des choix dans les moments décisifs dans leur vie (rôle pro-actif). Cette approche est cruciale vis-à-vis des jeunes travailleurs. Nous devons réfléchir à des services qui sont 24 sur 24 et sept jours sur sept, en et hors ligne ».

Dans son travail auprès de la génération 16-35 ans, le syndicat De UNIE a ainsi ciblé trois groupes.

Le groupe des débutants est composé d’étudiants en fin de cursus, stagiaires ou en recherche de stage (16-20 ans). Le deuxième groupe, les « juniors » est constitué essentiellement des dîplomés pendant la première année d’experience sur le marché du travail (20-26 ans). Le troisième groupe, les « médior » (26-35 ans), rassemble tous les cadres avec quelques années d’expérience professionnelle.

L’intervention du syndicat De UNIE allie des services initialement “gratuits” à des services payants qui vont de l’aide à la recherche des stages à l’international, à l’offre de crédit et de loisirs jusqu’à l’organisation des campagnes comme celle de « Combattre la crise » menée dernièrement et qui a eu un fort retentissement médiatique dans le pays. Le but déclaré par le syndicat est, dans un premier temps, de capter la sympathie des jeunes générations à l’égard du syndicat, la question de la cotisation et de l’adhésion se posant dans un deuxième temps.

Toutes formes de partenariat et de services sont ainsi développées pour capter et attirer des jeunes vers le syndicat. Le résultat de cette politique est déjà palpable.

Les actions de la CFDT Cadres vis-à-vis des jeunes étudiants et professionnels.

En France, la CFDT Cadres a pris, lors de son congrès de Nîmes en 2009, un engagement très ferme vis-à-vis de la prise en charge des jeunes salariés.

Cet engagement s’est traduit notamment par un Comité national organisé en mai dernier où les jeunes cadres débutants étaient les protagonistes des deux journées de réunion. Ils ont pu dans cette tribune exprimer le vécu de leurs premières expériences en entreprise et souligner les attentes (et évoquer les déceptions) qu’ils ont vis-à-vis du syndicalisme.

A la suite de ce Comité national, des actions concrètes ont été mises en œuvre ou sont en cours d’élaboration.

Attirer de jeunes sympathisants via le site Internet et un guide pratique d’aide aux premiers pas dans l’entreprise

Le site internet de la CFDT Cadres est en complète refonte. L’objectif du nouveau site est d’être encore mieux référencé sur le web, plus visible et lisible. Le site devra aussi être résolument orienté vers une logique d’aide aux jeunes étudiants dans leur recherche de stage et aux professionnels dans leur intégration en entreprise. Des fiches pratiques sur la connaissance des droits pour les jeunes cadres salariés seront mieux organisées et fournies à nos militants. Ce sont eux qui en entreprise assurent le contact avec les nouveaux recrutés. Bien les outiller pour qu’ils aillent à leur rencontre est une condition de réussite dans cette prise en charge.

Nous sommes aussi en train d’élaborer un guide d’aide destiné à accompagner les jeunes cadres lors de leurs premiers pas en entreprise, pour qu’ils s’intégrent dans leur équipe en leur donnant des pistes pour bien réagir en cas de problèmes professionnels. Ce guide est construit avec les jeunes professionnels adhérents qui avaient participé au Comité national du printemps. Ce sera aussi un outil à disposition de nos militants.

L’engagement de la CFDT Cadres à l’APEC constitue également un plus pour aider l’insertion professionnelle des jeunes cadres et ingénieurs.

Et nous continuons aussi par ailleurs à développer des partenariats avec des organisations étudiantes comme la Cé, et des associations qui aident des jeunes diplômés issus de milieux sociaux défavorisés à trouver un premier emploi (association Mozaïc par exemple).

Naturellement ces actions expérimentales mériteront une évaluation mais une chose est évidente pour notre organisation : le changement est une impérieuse nécessité pour toucher et attirer les nouvelles générations de salariés. Il est aussi la condition sine qua non pour pérenniser notre syndicat.