En 2005, avec Laurent Falque, nous présentions dans Pratiques de la décision[1] une synthèse des méthodes classiques de la décision (identifiées par les sciences de gestion) et des trois principaux pièges guettant les décideurs, avant d’exposer le processus de discernement selon la finalité, processus inspiré des Exercices spirituels[2] du théologien Ignace de Loyola. En 2020, avec Apprendre à choisir. Une méthode pour décider seul ou à plusieurs (Dunod), reprenant le schéma de nos livres précédents, nous montrons comment s’articulent nécessairement discernement individuel et discernement collectif. Ce faisant, nous sont apparus bien des obstacles à la pratique d’un discernement collectif permettant un consensus véritablement partagé. Cet article évoque quelques-uns des obstacles qu’il faut dépasser pour atteindre un tel consensus.
La décision collective et ses ambiguïtés
Les promoteurs de la décision collective – comme Howard Rheingold, dont le livre Smart Mobs[3] a rencontré un grand succès aux États-Unis – présupposent que les membres d’un groupe, au regard de leurs compétences et de leurs expériences propres, seraient en mesure de mieux cerner le problème à résoudre, d’imaginer davantage de solutions et de choisir la meilleure alternative. Toutefois, l’observation en psychologie sociale ne confirme pas toujours cette perspective optimiste. De nombreux obstacles s’y opposent[4]. Ainsi, en France, si Christian Morel, connu pour ses travaux sur Les décisions absurdes[5], dénonce vigoureusement les processu