Publié en pleine campagne électorale par Terra Nova, ce rapport est sans doute passé inaperçu pour bon nombre d’acteurs sociaux. Et pourtant… en portant un regard large sur ce que l’on pourrait appeler la « société-providence » face à l’Etat-providence, le document permet aux lecteurs de mieux connaître l’histoire et la place de la philanthropie dans le paysage social français, restituant de nombreux travaux de recherche et nourrit la connaissance ses différentes aspects juridiques, politiques, fiscaux et successoraux, finalités, gouvernance, moyens, etc. C’est un objet sociétal aux croisements de nombreuses politiques successives, connaissant comme d’autres champs d’intervention sociale, économique, culturelle ou éducative, un empilement des cadres légaux. Au fondement se trouve la question de la définition de l’intérêt général et de la place laissée ou soutenue aux tiers acteurs de prendre en charge des angles morts de l’Etat-providence en vue de permettre au plus grand nombre d’avoir part à la vie en commun, d’être partie prenante, de contribuer ainsi à un « mouvement plus général de vitalité de la société civile et d’empowerment ». Sans nier les antagonismes profonds entre la vision d’une philanthropie « action exclusive des plus fortunés qui cherchent à réparer les dégâts causés par la course au profit » et celle qui y souligne un contexte favorisant la générosité et l’action avec les délaissés des politiques publiques, le rapport, entre libéralisme et étatisme. Il peut être même considéré que les fondations se mettent « au service de la démocratie … en intervenant là où [les pouvoirs publics] ont du mal à agir ».

Prendre conscience des ordres de grandeur comptables permet aussi de relativiser (plus des deux tiers de ceux qui pourraient prétendre à un avantage fiscal ne déclarent pas de dons) ! Le rapport souligne l’émergence de nouvelles ambigüités avec la création des fondations d’entreprise (entre social washing et enrôlement des salariés), des fondations actionnaires et des fondations universitaires publiques, qui interpellent directement les acteurs syndicaux concernés. Ces derniers trouveront dans ce rapport des questionnements et des leviers d’actions. Le rapport fait un rapide écho aux racines mutualistes ou fraternelles de certaines fondations.

La reconnaissance évoquée de l’engagement bénévole, du service civique, (via une VAE ou un CléA)[1] n’est pas sans faire écho à la reconnaissance de l’engagement syndical ou bien encore à la reconnaissance de l’engagement étudiant par le monde académique sous forme de crédits ECTS. Les auteurs formulent diverses propositions sur 1) les relations avec les politiques publiques (création d’une instance indépendante, territorialisation) 2) favoriser une gouvernance plurielle et élargie (implication des bénéficiaires, gouvernance élargie 3) modalités d’action et d’évaluation (croiser les expertises, repenser la comptabilité) 4) développer les culture du don (impôt négatif, assurance-vie, valorisation du bénévolat, encourager la « grande philanthropie ») 5) encourager les expérimentations, dialogue continu avec l’Etat, soutien de la recherche sur la philanthropie.

Après un rapport parlementaire et un rapport de l’OCDE en 2020, un rapport de la Cour des Comptes en 2021, le rapport contribue à rendre visible une dynamique sociétale en quête de consolidation. Un sujet dont le Cese pourrait se saisir utilement également.

[1]-A lire : L. Mahieu, «Volontariat et bénévolat. Quand le travail emploie d’autres formes », Cadres n°447, déc. 2011.