À la marge du salariat traditionnel, les cadres ont le choix entre de nombreuses formes d’emploi. Elles permettent à certains de préparer une activité indépendante, et elles offrent à d’autres la possibilité d’une transition entre deux emplois plus classiques.

Ces formes d’emploi offrent de réelles opportunités aux professionnels suffisamment bien armés et formés pour être capables de négocier hors d’un cadre législatif traditionnel. Travailler comme salarié porté, pour un groupement d’employeurs ou dans une entreprise de travail à temps partagé, c’est avoir l’opportunité de gérer son temps plus souplement, et plus largement de choisir son mode de vie. Ces formes d’emploi atypiques peuvent offrir un tremplin aux professionnels qui ne veulent pas quitter le salariat, mais qui ne veulent plus du lien traditionnel de subordination entre un salarié et son employeur. Elles peuvent aider à résoudre ce qui semblait inconciliable : rester dans le salariat tout en étant autonome ; elles permettent de faire disparaître une tension presque inhérente à nos sociétés : articuler le besoin de collectif avec le désir de rester un individu autonome.

Parfois mal connues, et pour certaines d’elles encore marginales, ces formes d’emploi atypiques offrent des solutions à des entreprises qui ne peuvent pas embaucher à temps plein, comme par exemple dans le cas des groupements d’employeurs. Plus utilisées, elles pourraient constituer de vraies solutions pour des territoires en crise qui ne parviennent pas à offrir en nombre suffisant des emplois plus traditionnels et à temps complet aux salariés. Elles donneraient les moyens de réaliser une vraie sécurisation des parcours professionnels dans l’ancrage des territoires.

Pourtant, tout n’est pas rose, loin de là, et le cas des auto-entrepreneurs est un bon révélateur. L’auto-entreprenariat concerne beaucoup de monde, plus de 700 000 personnes, mais représente rarement une solution économique viable. Pire que cela, il peut être utilisé par des employeurs peu scrupuleux pour ne plus payer de charges sociales. L’auto-entrepreneur fait alors le même travail qu’un salarié, il est même parfois utilisé pour le remplacer, mais il ne bénéficie plus d’aucune protection sociale. Et cette situation fâcheuse existe là où on ne voudrait surtout pas la voir, dans la fonction publique, touchée par les restrictions budgétaires, comme nous le montre l’article de Sarah Abdelnour.

Et c’est bien là le plus grand risque inhérent à ces nouvelles formes d’emploi : si elles sont mal encadrées par la loi, les salariés auront beaucoup à y perdre en les investissant et les emplois précaires gagneront encore du terrain. La CFDT le sait, et elle avance avec précaution, en choisissant une ligne pragmatique qu’elle s’est fixée depuis l’origine sur la question. Si elle n’est pas hostile a priori à ces nouvelles formes d’emploi, préférant de loin un contrat atypique à un salarié isolé, elle négocie pour que tous les salariés obtiennent les mêmes droits et condamne l’auto-entreprenariat comme forme de salariat déguisé.

L’examen de ces formes atypiques d’emploi est en réalité une bonne entrée pour regarder les lignes de tension qui marquent le marché de l’emploi. C’est un bon révélateur des inégalités entre des professionnels diplômés et suffisamment armés pour maîtriser la trajectoire professionnelle de leur choix, et les autres, pour lesquels les transformations du marché de l’emploi représentent autant de risques d’une dégradation de leur situation. Autant de difficultés qui peuvent aussi guetter les cadres.